Ciblé par un boycottage des propriétaires, le nouveau registre des armes longues du Québec n'a enregistré en 10 mois que 255 000 des quelque 1,6 million d'armes à feu de la province. L'organisme Poly se souvient demande au gouvernement de sortir « le bâton » pour dire aux contrevenants qu'ils seront mis à l'amende s'ils ne se conforment pas à la loi.

« Quand il y a un boycottage semblable, ça découle d'une décision délibérée. Les publicités à la radio pour inciter les gens à se conformer, c'est comme des carottes, et ça ne fonctionne pas devant des actions délibérées. Ça prend un petit bâton », affirme Heidi Rathjen, porte-parole de l'organisme pro-contrôle des armes à feu Poly se souvient. « Il est temps que le gouvernement rappelle que des amendes vont s'appliquer. C'est la seule chose qui peut influencer le comportement des gens », ajoute-t-elle.

Entré en vigueur le 29 janvier dernier, le Service d'immatriculation des armes à feu (SIAF), créé pour remplacer le défunt registre fédéral des armes à feu, a accordé un délai d'un an aux propriétaires de carabines et de fusils de chasse non restreints pour enregistrer leurs armes.

L'enregistrement se fait en ligne et est totalement gratuit. Mais le groupe de pression Tous contre un registre québécois des armes à feu, appuyé par plusieurs regroupements de chasseurs, a multiplié en cours d'année les appels au boycottage.

« On s'attend à ce qu'au 29 janvier, au rythme où vont les choses, il y ait tout au plus 300 000 armes à feu enregistrées. La loi ne pourra pas être appliquée, croit le porte-parole de Tous contre un registre québécois des armes à feu, Guy Morin. Si les autorités l'appliquent, ce sera un geste de répression envers des milliers de gens honnêtes et raisonnables. On va aller vers une belle confrontation. »

Malgré le risque de se faire imposer une amende de 5000 $, bon nombre de propriétaires d'armes semblent garder les rangs pour le moment.

Blitz à la radio et par la poste

Le ministère de la Sécurité publique, qui administre le registre, admet qu'il aurait « préféré qu'un plus grand nombre de propriétaires aient demandé l'immatriculation de leurs armes à feu à ce stade-ci », a indiqué sa porte-parole Louise Quintin.

Pour tenter d'inverser la tendance, le Ministère a envoyé la semaine dernière des lettres à tous les détenteurs de permis de possession et d'acquisition d'arme à feu et lancé un blitz publicitaire à la radio pour leur rappeler leurs obligations légales. « Notre priorité est actuellement de les encourager à ne pas attendre à la dernière minute et de demander dès maintenant l'immatriculation de leurs armes à feu », ajoute Mme Quintin.

Mais la nouvelle ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, ne s'est pas prononcée sur la suite des choses si le boycottage perdure.

« Qu'est-ce que les autorités vont faire si la ministre décide d'appliquer la loi à la lettre ? Ils vont se mettre à interpeller tout le monde dans les clubs de tir, dans les activités de chasse, ils vont arrêter les gens et instituer des procédures en justice ? La loi est tout simplement inapplicable », soutient l'avocat de la National Firearms Association, Guy Lavergne, qui tentera en février prochain de faire invalider le registre en Cour d'appel. 

À la veille de la commémoration de la tuerie de la Polytechnique, Poly se souvient demande au gouvernement de ne pas plier l'échine. « On aimerait que le gouvernement indique clairement qu'il ne reportera pas l'entrée ne vigueur de la loi ou qu'il n'y aura pas de moratoire. Sa posture face à ce boycottage jouera un rôle clé », affirme Heidi Rathjen. 

« Il n'est pas question d'entrer dans les maisons en défonçant les portes pour vérifier si les gens ont enregistré leur arme. C'est comme pour les chiens, que les gens sont obligés d'enregistrer. Les policiers ne vont pas de porte en porte pour vérifier. Mais si tu te fais prendre, tu paies une amende. C'est une question de sécurité publique, avec laquelle la population québécoise est largement en faveur », dit Mme Rathjen.