« Déçue » des efforts du précédent gouvernement libéral, préoccupée par la hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) depuis deux ans, la ministre de l'Environnement proposera d'ici quelques mois une importante mise à jour de la stratégie climatique du Québec.

En entrevue avec La Presse, l'une de ses premières depuis sa nomination à l'Environnement, MarieChantal Chassé promet de dépoussiérer le Plan d'action sur les changements climatiques (PACC) 2013-2020, une stratégie comprenant 183 « actions » adoptée sous Jean Charest dont l'efficacité a plusieurs fois été critiquée ces dernières années.

À son arrivée aux commandes, cette ingénieure de formation a multiplié les rencontres avec les fonctionnaires et le Conseil de gestion du Fonds vert. Elle a passé au crible les différents programmes du PACC, qui vont de la subvention à l'achat de voitures électriques à l'aide à la recherche sur l'adaptation aux changements climatiques, en passant par les crédits d'impôt pour la rénovation écoénergétique.

Au terme de l'exercice, Mme Chassé dresse un bilan sévère du bilan libéral en environnement.

« J'ai été déçue, dit-elle. Le PACC date de 2013, ce plan n'a pas été mis à jour depuis. Ça fait six ans ! »

Moins de 10 % des mesures du Plan comprennent des indicateurs de performance, note-t-elle. En clair, cela veut dire qu'il est impossible de connaître leur réel impact sur la réduction des GES.

Bien qu'elle veuille éviter d'en faire un enjeu partisan, la ministre s'explique mal que le gouvernement libéral n'ait pas modifié le PACC pour le rendre plus efficace. D'autant plus que les ratés du Fonds vert étaient connus et documentés par la vérificatrice générale depuis des années.

« J'aurais aimé continuer à sourire aujourd'hui. J'aurais aimé arriver en poste avec un plan d'action sur lequel j'aurais pu construire. Et là, quand je réalise que ça fait trois ans que nos résultats, en termes de réduction de GES, se détériorent, je ne souris plus. »

- MarieChantal Chassé, ministre de l'Environnement

Le ministère de l'Environnement a publié hier l'Inventaire des émissions de GES pour l'année 2016. Ce document confirme que les efforts de réduction du Québec n'ont produit aucun effet au cours des dernières années (voir autre texte).

L'état des lieux est « préoccupant », affirme Mme Chassé, qui se rendra vendredi prochain à Katowice, en Pologne, pour prendre part à la Conférence des Nations unies sur le climat (COP24).

Elle entend présenter dans les prochains mois une importante réforme de la stratégie climatique québécoise. Elle n'a pas détaillé ses intentions hier, mais elle a promis d'agir de manière décisive.

« La réforme s'en vient. Je vous rassure, les actions s'en viennent. Le PACC qui est associé au Fonds vert se rend jusqu'en 2020 ; 2020, ça veut dire le 31 mars 2021. On ne peut pas attendre jusque-là. Il y a des actions qu'on va devoir poser rapidement. »

CIBLE 2020

Plus tôt cette semaine, le premier ministre François Legault a reconnu que le Québec pourrait ne pas être en mesure de réduire d'ici 2020 ses émissions de GES de 20 % sous le niveau de 2005. La province raterait donc la cible établie par le gouvernement libéral. En revanche, il a fait sienne la cible de 2030, qui prévoit une baisse de 37,5 % sous le niveau de 1990.

Mme Chassé se garde de dire que la cible de 2020 est hors de portée, mais elle reconnaît que « la marche est haute ».

« Je veux qu'on soit lucides », résume-t-elle.

Cela dit, elle se dit consciente que le temps presse si Québec veut atteindre ses autres objectifs à long terme.

« Il y a des engagements au niveau de 2030 et on parle même de 2050, dit-elle. C'est dire à quel point on est dans un esprit de long terme, ce qui n'empêche pas l'urgence d'agir. Mais certainement pas l'urgence d'agir en faisant des erreurs qui fait qu'on continue de creuser comme on le fait en ce moment. »

En mars, le gouvernement Couillard a publié le bilan de mi-parcours du PACC. Le ministère de l'Environnement y a reconnu qu'il n'y avait « pas de progression globale significative » dans les efforts de réduction des GES. Il appelait Québec à envisager des mesures plus sévères, comme une taxe sur les voitures et camions énergivores.