Le chef de cabinet du ministre des Ressources naturelles de la Coalition avenir Québec (CAQ) était auparavant un lobbyiste favorable aux projets d'hydrocarbures, a appris La Presse canadienne.

Pierre-Yves Boivin est issu de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et aussi de Gaz Métro, l'ancêtre d'Énergir.

Sa nomination au poste stratégique de directeur de cabinet auprès du nouveau ministre Jonatan Julien n'est pas sans contribuer à nourrir des soupçons chez les écologistes, qui déplorent déjà depuis longtemps l'absence de programme de la CAQ en environnement.

Le ministre a d'ailleurs affirmé mercredi que le gouvernement allait examiner d'éventuels projets de prospection des hydrocarbures à l'île d'Anticosti le jour où il y en aurait, pour ensuite être rabroué par François Legault.

M. Boivin a été inscrit au registre des lobbyistes pendant plusieurs années pour la FCCQ et Gaz Métro, selon les renseignements du Commissaire au lobbyisme. Il était encore inscrit en date d'avril 2018.

Parmi les nombreux mandats de la FCCQ, on retrouve notamment celui de «mettre en place un cadre d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures afin que les projets en cette matière puissent aller de l'avant. (La FCCQ) demande au gouvernement d'appuyer l'exploration pétrolière en sol québécois».

De même, dans un autre mandat de lobbyisme, la FCCQ réitérait son «appui à l'exploration pétrolière sur l'île d'Anticosti» et réclamait une étude environnementale stratégique (ÉES) rapidement, pour «ne pas faire fuir les investissements dans ce secteur».

Toujours dans ses actions de démarchage auprès du gouvernement, la FCCQ demandait au gouvernement «d'appuyer l'inversion du pipeline de la ligne 9» d'Enbridge, un projet controversé d'acheminement du pétrole des sables bitumineux vers les raffineries de l'est du pays.

Par ailleurs, la FCCQ a aussi recommandé au gouvernement d'exempter des entreprises de la Bourse du carbone, un des principaux outils du gouvernement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) chez les grands émetteurs.

Dans son profil professionnel LinkedIn, mis à jour avec ses nouvelles fonctions, M. Boivin affirme que ses «fonctions en relations avec les communautés dans le cadre de projets énergétiques ont fait de (lui) un excellent porte-parole».

La fonction de chef de cabinet est cruciale. C'est le principal conseiller du ministre, il fait le lien entre le cabinet, le ministère et le cabinet du premier ministre.

La CAQ a refusé de donner suite à nos demandes d'entrevue adressées au directeur du cabinet ainsi qu'au ministre. Un des attachés de presse du gouvernement, Ewan Sauves, a plutôt répondu par courriel.

«M. Boivin n'est plus à l'emploi de la FCCQ et n'a pas de mandats actifs à son nom, a écrit M. Sauves. Comme vice-président stratégie et affaires économiques, M. Boivin avait à sa charge de nombreux dossiers d'affaires publiques, ce qui l'a amené à travailler auprès de plusieurs secteurs de l'économie, incluant ceux de la main-d'oeuvre, de l'innovation, de même que des dossiers miniers et énergétiques. Il a également oeuvré au sein d'Énergir et du CN. Compte tenu de son bagage professionnel, M. Boivin dispose d'une expérience et d'une expertise très pertinentes pour occuper les fonctions qui lui sont confiées.»

Les militants écologistes, qui ont souvent autrefois dénoncé la proximité entre l'industrie et l'État, notamment sous le gouvernement Charest dans la saga des gaz de schiste, sont alarmés.

«Ce n'est pas rassurant du tout, ça donne vraiment une impression de continuité avec une approche qui était très pro-hydrocarbures» dans l'ancien gouvernement, a déclaré dans une entrevue téléphonique Carole Dupuis, porte-parole de l'association écologiste «Saint-Antoine-de-Tilly milieu de vie». Elle était jusqu'au printemps représentante du Regroupement Vigilance Hydrocarbures (RVHQ).

La CAQ avait déjà fait savoir qu'elle est ouverte à examiner les éventuels projets d'exploration pétrolière et gazière sur l'île d'Anticosti, contrairement au précédent gouvernement Couillard qui avait mis fin aux visées des entreprises.

Toutefois, en mêlée de presse mercredi après-midi, le premier ministre François Legault a finalement fait volte-face pour dire que son gouvernement n'avait «aucun intérêt» à relancer l'aventure des hydrocarbures sur cette grande île située au milieu du Saint-Laurent.

Cependant, en campagne électorale, le chef caquiste n'avait pas écarté la possibilité d'exploiter les hydrocarbures dans le Grand Nord.