Vétéran des ministères économiques au gouvernement du Québec, Yves Ouellet est devenu hier la clé de voûte de l'administration publique québécoise. Dernière nomination du gouvernement Couillard, l'ancien secrétaire du Conseil du trésor accède au poste de secrétaire général du gouvernement au tout début de la cinquantaine.

Tombée de rideau pour Philippe Couillard qui a rencontré hier la haute fonction publique, des adieux d'une trentaine de minutes où M. Ouellet, le choix de François Legault comme premier fonctionnaire, était absent. M. Couillard entreprendra sous peu deux semaines de vacances en Europe, un voyage organisé par sa conjointe dont il ne connaît que la première étape, Marseille, a-t-il raconté, ironique, aux mandarins.

Longtemps dans l'ombre de ses mentors, Yves Ouellet est considéré comme un fonctionnaire d'une grande prudence et d'une grande efficacité. Ce n'est pas lui qui ira au front pour s'opposer à la volonté d'un politicien.

« Il va livrer ce que va lui demander le politique », prédisent déjà ceux qui l'ont côtoyé dans le passé. Préoccupé d'abord par les résultats, il est resté plutôt insensible à l'impact des décisions sur l'opinion publique. Derrière Martin Coiteux, Yves Ouellet a été l'un des principaux acteurs des années de compressions budgétaires du gouvernement Couillard à titre de secrétaire du Conseil du trésor.

Si un ministre relevait qu'une décision aurait des conséquences néfastes sur une clientèle, sa réplique favorite était : « Ça, c'est un autre débat », et il maintenait le chiffre qu'il avait inscrit dans la colonne, résume un membre du gouvernement qui a dû l'affronter.

Ce n'est pas lui qui voudra orienter les décisions du Conseil des ministres comme ont pu le faire dans l'histoire les Guy Coulombe, Louis Bernard, Jean St-Gelais ou André Dicaire, dans les mêmes fonctions.

« IL VA PROTÉGER SES FONCTIONNAIRES »

Il y a plusieurs mois, M. St-Gelais, à qui François Legault avait demandé conseil, avait identifié M. Ouellet comme candidat potentiel au poste de premier fonctionnaire. Son âge - il est dans la jeune cinquantaine - a joué en sa faveur, de même que le fait qu'il a su fonctionner avec des gouvernements libéraux comme péquistes. « Il va protéger ses fonctionnaires », prédit-on, bien qu'on sache en même temps qu'il ne sera pas celui qui mettra sa tête sur le billot si on approche la guillotine - « il n'a rien d'un fighter ; il écoute, mais il reste prudent, ne montera pas au front ».

Comme gardien des dépenses, au Trésor, il a eu des affrontements sérieux avec Michel Fontaine, sous-ministre à la Santé. Avec son ex-collègue Luc Monty, sous-ministre aux Finances, les rapports n'étaient pas chaleureux non plus.

SON PARCOURS

C'est l'aboutissement d'un long parcours pour le mandarin Ouellet. Avec en poche un baccalauréat et une maîtrise en économie de l'UQAM, on le retrouve dans la jeune vingtaine comme économiste au ministère de l'Emploi. En 1997, il entre au ministère des Finances et y noue des amitiés qui le serviront jusqu'à aujourd'hui. À l'époque, il était vu comme « le bon soldat » de son patron, Abraham Assayag, qui régnait sur l'équipe des économistes des Finances, souvent en confrontation avec les « budgétaires » qui fignolent les mesures des budgets.

C'est aux Finances qu'il fait la rencontre de Jean St-Gelais et du regretté Daniel Bienvenu, qui ont rapidement monté en grade à l'époque où Bernard Landry était ministre plénipotentiaire de l'Économie. Quand M. Landry devient premier ministre, le trio se retrouve aux premières loges, au Conseil exécutif, l'équivalent du ministère du premier ministre. Ouellet seconde Bienvenu qui sera, par exemple, l'architecte de « la Paix des Braves » avec les autochtones.

Associé aux « projets stratégiques », puis aux « priorités », Yves Ouellet restera en selle pour tout le mandat des libéraux de Jean Charest, de 2003 à 2012. Il impressionne le secrétaire général de l'époque, André Dicaire.

Son successeur, Gérard Bibeau, parlera souvent du « p'tit Ouellet » comme d'un exécutant hors du commun, capable de produire des « présentations PowerPoint » et des documents de synthèse comme un fusil mitrailleur.

Les choses vont moins bien avec le successeur de M. Bibeau, Gilles Paquin, qui enverra M. Ouellet aux Ressources naturelles, comme sous-ministre en titre toutefois.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

Mais les élections arrivent, Pauline Marois est portée au pouvoir. Jean St-Gelais redevient secrétaire général du gouvernement. Son protégé revient comme secrétaire au Conseil du trésor, un poste névralgique. Il travaillera avec Stéphane Bédard, mais restera en selle avec l'arrivée de Martin Coiteux. Déjà, tous ces collègues ont observé une particularité : le matin, M. Ouellet arrive toujours le premier au bureau et, invariablement, le soir, son auto est la dernière à quitter le stationnement.

Le Trésor change de mains, Pierre Moreau arrive en poste et tient à avoir un autre vétéran, Denys Jean, comme sous-ministre. Yves Ouellet va atterrir à la tête de la Société québécoise des infrastructures, poste convoité dans une capitale où les postes lucratifs du secteur public sont moins nombreux que dans la métropole.