Le Château Frontenac n'a pas bougé d'un centimètre, le mont Saint-Anne non plus, pas plus que l'île d'Orléans.

Mais le paysage politique de Québec, lui, vient de changer du tout au tout. En l'espace d'une soirée, le maire Régis Labeaume a perdu ses alliés libéraux, ceux qui l'avaient soutenu sans faillir dans presque tous ses projets, du théâtre Le Diamant au tramway. Ceux qui, comme lui, entretenaient des réserves sur un éventuel troisième lien entre sa ville et Lévis.

Il s'est réveillé entouré de quinze députés de la Coalition avenir Québec (CAQ), un rescapé libéral et deux solidaires en plein coeur de sa ville.

Il devra donc évoluer pendant quatre ans avec cette même CAQ qu'il ne s'était pas gêné de rabrouer au lendemain des élections de 2014. Il y a quatre ans, il avait déclaré que les caquistes avaient perdu « les deux tiers de leurs députés sur la Rive-Nord » à cause de leur opposition à ses projets.

Quatre ans plus tard, c'est le monde à l'envers. Hier matin, en conférence de presse, le maire de Québec a salué poliment l'élection de François Legault. « Je veux féliciter le nouveau premier ministre. C'est une grande victoire, une victoire sans conteste, et il a visiblement les coudées absolument franches », a reconnu M. Labeaume.

Mais il ne s'est pas dit heureux de ce résultat.

« On va travailler avec ceux qui sont en place. On n'a pas à être heureux ou être déçus. »

- Régis Labeaume, maire de Québec

« Les gens qui ont été élus pour la CAQ ici, ils vont travailler pour la ville, jamais je ne croirai... » a ajouté celui qui en est à son quatrième mandat.

La soirée de lundi a aussi vu l'élection, sous les couleurs de la CAQ, de l'ancien bras droit du maire. Jonatan Julien, élu dans Charlesbourg, avait claqué la porte du parti du maire Labeaume en mai dernier. M. Julien n'avait pas digéré que le maire le critique publiquement. M. Labeaume avait dit qu'il « l'avait échappé » dans le dossier du déménagement de la centrale de police.

DE BONS MOTS POUR QS

Au cours d'un point de presse d'une trentaine de minutes, le maire a eu de bons mots surtout pour... les élus de Québec solidaire (QS). Avec deux députés - Catherine Dorion dans Taschereau et Sol Zanetti dans Jean-Lesage -, les solidaires vont représenter l'opposition au gouvernement dans la région de Québec. Le Parti libéral a un élu et le Parti québécois, aucun.

« Zanetti et Dorion avaient de sacrées organisations. Ils ont su créer l'engouement. Ce sont deux belles personnes. Je les ai connues pendant la campagne », a lancé Régis Labeaume.

Le maire a raconté que Manon Massé lui avait écrit lundi dans la nuit : « Régis, on t'a envoyé deux Gaulois solidaires », a écrit la co-porte-parole de QS.

« Merci beaucoup, ça fait mon affaire dans les circonstances », a répondu Labeaume, selon ce qu'il a raconté hier à la presse.

Invité à préciser en quoi l'élection de deux députés solidaires faisait son affaire, il a répondu : « Ça faisait mon affaire parce que ce sont deux personnes intelligentes. Catherine Dorion, il n'y a rien de surprenant. Et M. Zanetti est un gars très intelligent. »

Mais l'élection de ces deux députés lui assure aussi un appui indéfectible en faveur de son projet de tramway, qui doit entrer en service en 2026. QS est aussi le seul parti officiellement contre un troisième lien, un projet que le maire de Québec ne porte pas dans son coeur, notamment à cause des effets potentiels sur la congestion dans sa ville.

« On ne s'entendra pas sur tout. Mais il y a une chose sur laquelle on s'entend, c'est le transport collectif. Et ça, ça veut dire qu'on s'entend sur l'essentiel, c'est comme ça que je le vois. »

- Régis Labeaume à propos de ses nouveaux alliés solidaires

« Pour l'avenir de cette ville-ci, le projet le plus important, au-delà de la main-d'oeuvre, c'est le transport collectif. Et on s'entend parfaitement là-dessus. Ça veut dire qu'on s'entend sur l'essentiel. »

CONFIANT POUR LE TRAMWAY

Avec la CAQ, le maire a moins d'atomes crochus sur la question des transports. François Legault veut commencer à construire un troisième lien dès son premier mandat, une idée qui est loin d'enchanter le maire.

Mais Régis Labeaume s'est toutefois montré confiant sur le dossier du tramway. La CAQ a donné son appui à ce projet porté à bout de bras par le maire. Dans les dernières semaines, des porte-couleurs de la CAQ ont toutefois indiqué que le projet de transport collectif de Québec devait être relié à la Rive-Sud par le troisième lien.

« La connexion avec Lévis... Je ne sais pas ce que ça voulait dire. Moi, je sais que M. Legault et son équipe sont venus ici dans mon bureau, on lui a présenté notre projet et il a appuyé notre projet », a expliqué le maire, qui vise une pelletée de terre en 2022 pour un tramway qui roulerait dès 2026.

Tout cela, bien sûr, si tout va comme l'entend le maire.

Photo Jean-Marie Villeneuve, Le Soleil

Les nouveaux députés de Québec solidaire Sol Zanetti et Catherine Dorion