Le patron de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) Robert Lafrenière a annoncé sa démission ce matin. Le porte-parole de l'UPAC, Mathieu Delisle, l'a confirmé à La Presse.

La démission de M. Lafrenière sera effective à compter du 2 novembre prochain. Robert Lafrenière, qui a auparavant fait carrière à la Sûreté du Québec, est arrivé à la tête de l'UPAC dès ses débuts, en 2011. En 2016, son mandat a été renouvelé pour cinq ans, et devait donc prendre fin en 2021. On ignore les raisons de cette démission soudaine.

M. Lafrenière et l'UPAC ont toutefois subi un revers important la semaine dernière après que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ait accédé à la requête en cassation des mandats visant le député de Chomedey, Guy Ouellette.

M. Ouellette a été arrêté, mais pas accusé il y a un an à la suite d'une enquête de l'UPAC sur des fuites médiatiques concernant l'enquête Mâchurer sur le financement du Parti libéral du Québec. Au moment de l'arrestation, des documents et appareils électroniques, dont le téléphone de M. Ouellette, ont été saisis et mis sous scellés. Tous ces objets devront dont être remis au député, ce qui pourrait se faire mercredi, au Palais de justice de Québec, alors que le dossier doit revenir en cour.

Il y a un mois, le candidat de la Coalition avenir Québec, Ian Lafrenière, a déclaré que la CAQ réévaluerait la nomination de Robert Lafrenière à la tête de l'UPAC si elle prenait le pouvoir à l'issue des élections d'aujourd'hui. L'annonce de Robert Lafrenière intervient le jour même des élections. Robert Lafrenière n'en est pas à son premier coup de tonnerre durant une journée importante; le 17 mars 2016, l'ancienne ministre Nathalie Normandeau a été arrêtée par l'UPAC le jour même du dépôt du budget du gouvernement libéral.

Les derniers mois ont été marqués par plusieurs départs et secousses à l'UPAC.

En mai dernier, la libération de tous les accusés de l'affaire des compteurs d'eau, dont l'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, a eu l'effet d'une douche d'eau froide dans l'opinion publique et pour l'UPAC.

En avril dernier, le directeur des opérations et responsable des enquêtes, André Boulanger, a quitté l'UPAC pour retourner à la Sûreté du Québec.

En novembre 2017, c'est le numéro 2 de l'UPAC, Marcel Forget, qui a été invité à quitter ses fonctions dans la tourmente, à la suite d'un reportage des médias de Québecor révélant que l'ancien policier avait acheté des actions d'une entreprise controversée, et invité des collègues à en faire autant. M. Forget a déposé une poursuite de 2 millions contre Québec, alléguant avoir été congédié illégalement.

Un rapport rédigé en 2016 et remis à l'ancien ministre québécois de la Sécurité publique, Martin Coiteux, faisait également état d'un climat de travail difficile à l'UPAC, en particulier dans la division de la vérification.

En février dernier, l'Assemblée nationale du Québec a adopté un projet de loi qui a donné plus de pouvoirs à l'UPAC et l'a transformée en corps de police spécialisé, de façon à ce qu'elle soit indépendante. Entre autres, les enquêteurs de l'UPAC relèvent maintenant uniquement de la direction de l'Unité permanente anticorruption même s'ils sont prêtés par d'autres corps de police, et ils n'ont plus à passer par ces autres corps de police pour obtenir des informations nécessaires à leurs investigations.

Robert Lafrenière a eu une carrière de plus de 25 ans à la Sûreté du Québec où il a notamment été directeur de la protection du territoire, de la protection des personnalités et du Service des enquêtes criminelles. Il a quitté en 2007 pour devenir sous-ministre à la Sécurité publique, avant d'être nommé à la tête de l'UPAC. Il a souffert d'un cancer du côlon en 2011.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse

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Quelques enquêtes importantes sous le règne de Robert Lafrenière

17 février 2012: Projet Faufil - Plusieurs personnes, dont l'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino et l'entrepreneur Paolo Catania, sont arrêtées pour l'affaire du Faubourg Contrecoeur. Ils ont tous été acquittés en mai dernier. 

17 avril 2012: Projet Gravier - 14 personnes, dont l'entrepreneur Tony Accurso, l'ex-maire de Mascouche Richard Marcotte et l'entrepreneur Normand Trudel, sont arrêtées pour corruption. M. Accurso a été acquitté en février dernier. 

9 mai 2013: Projet Honorer - Près de 40 personnes, dont l'ancien maire de Laval, Gilles Vaillancourt, sont appréhendées et accusés relativement à un stratagème de collusion et de corruption dans l'octroi de contrats publics. Gilles Vaillancourt a été condamné à six ans de pénitencier en décembre 2016.

17 mars 2016: Projets Joug et Lierre - Sept personnes, dont l'ancienne vice-première ministre Nathalie Normandeau et l'ex organisateur et ministre libéral Marc-Yvan Côté, sont arrêtées et soupçonnées de financement illégal d'un parti politique. La cause est toujours devant les tribunaux.

19 septembre 2017: Projet Fronde - Huit personnes, dont Frank Zampino et l'ancien solliciteur de fonds pour le parti Union Montréal, Bernard Trépanier, sont arrêtées et accusées relativement à un système de partage de contrats pour les compteurs d'eau. La cause est toujours devant les tribunaux.

15 mars 2018: Projet Médiator - Cinq personnes, dont l'ancien maire de Terrebonne Jean-Marc Robitaille et l'entrepreneur Normand Trudel, ont été appréhendées et accusées pour un présumé stratagème de corruption. La cause est toujours devant les tribunaux. 

Depuis 2013: Projet Machûrer sur le financement du Parti libéral du Québec. L'enquête est toujours en cours. Ce sont des fuites de documents relatifs à celle-ci qui ont mené à l'arrestation du député Guy Ouellette en octobre dernier.

- Avec la collaboration de Kathleen Lévesque