La commissaire à l'éthique, Ariane Mignolet, accuse les libéraux de porter atteinte à son institution dans leur réaction à son rapport sur le député indépendant et ex-ministre libéral Pierre Paradis.

Dans un communiqué diffusé jeudi, elle revient sur le vote ayant mené au rejet de sa recommandation de sanctionner M. Paradis pour avoir utilisé son allocation de logement à Québec pour favoriser les intérêts de sa fille et son gendre.

Comme prévu, les libéraux ont voté contre son rapport au Salon bleu jeudi. M. Paradis n'aura donc pas à payer la pénalité de 25 000 $ recommandée par la commissaire. Il aurait fallu l'appui des deux tiers de la Chambre pour que la sanction s'applique. Il y a eu 61 voix contre, 45 pour, et deux abstentions (Martine Ouellet et Gaétan Lelièvre).

Mercredi, le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, justifiait la décision du caucus libéral en brandissant un avis juridique qu'il a commandé afin d'analyser le rapport et qui relève quelques « irrégularités » selon lui. Talonné par l'opposition au Salon bleu jeudi, le premier ministre Philippe Couillard a déclaré qu'à la lumière de cet avis, « voter pour ce rapport fait une encoche au droit à la justice pleine pour les citoyens du Québec ». « Chacun a le droit d'être traité selon les principes élémentaires de la justice », a-t-il ajouté.

La commissaire Mignolet se dit « préoccupée » de constater qu'un avis juridique ait été commandé pour analyser son rapport. « Une telle démarche porte atteinte à l'institution créée pour assurer l'application du Code », écrit-elle dans son communiqué. Cette démarche « est d'autant plus préjudiciable qu'aucune demande d'éclaircissement ou de précision n'a été formulée à la commissaire par les parlementaires. Il est également important de souligner que cet avis juridique a été réalisé sans tenir compte de la jurisprudence et des pratiques développées par le bureau du Commissaire au fil des années ».

Elle défend son travail dans le dossier de Pierre Paradis. « Cette enquête a été menée selon les plus hauts standards attendus de la fonction que j'occupe. Aux termes d'une analyse rigoureuse, objective et documentée, j'ai recommandé, dans une perspective d'imputabilité et afin de maintenir la confiance des citoyens envers leurs élus, que le député rembourse les fonds publics ayant été utilisés de manière inadéquate pendant plusieurs années, et ce, en contravention du Code. »

Elle considère que « le processus d'enquête » et son « intégrité » ont été « mis en cause » dans l'affaire Pierre Paradis, comme ce fut le cas dans le seul autre dossier pour lequel une sanction était recommandée (l'affaire Claude Surprenant, qui avait fait des allégations au sujet du commissaire Jacques Saint-Laurent). « Ces attaques ont un impact considérable sur les institutions démocratiques et sur la confiance que les citoyens leur portent », selon elle.

Elle fait valoir que, « de manière unanime, le législateur a adopté une loi par laquelle il confie à une personne indépendante et impartiale nommée aux deux tiers des membres de l'Assemblée nationale la seule compétence pour interpréter ses dispositions dans le cadre d'une enquête ».

Elle « respecte le résultat de ce vote » dans le dossier de Pierre Paradis, dans la mesure où le code d'éthique « confère aux élus la responsabilité de se prononcer sur les recommandations de sanction » qui leur sont formulées.

Mais selon elle, « force est de constater que l'aspect coercitif du Code est plus difficile à mettre en oeuvre. À cet effet, une réflexion s'impose. »

« Je ne comprends pas sa position », a laissé tomber Jean-Marc Fournier après avoir pris connaissance du communiqué.  « Soyons francs : il n'y a personne qui dit qu'on ne peut pas demander des avis externes pour comprendre. Il n'y a personne qui dit qu'on ne peut pas avoir un vote éclairé. Et tout à coup, on vient d'apprendre que ce n'est pas possible », a-t-il lancé. « Je vais y penser un petit peu avant d'émettre d'autres commentaires », car « on est dans une zone dangereuse ».

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