Alors que les partis d'opposition proposent mardi des amendements au projet de loi 400 permettant à La Presse de changer sa structure de propriété, le premier ministre Philippe Couillard affirme « qu'il faut qu'il soit adopté » cette session-ci.

«Est-ce qu'il va être adopté à l'unanimité, eh bien ça, c'est une autre chose. Les gens seront libres de voter contre, mais il faut qu'il soit adopté», a dit mardi à Montréal le premier ministre Couillard. 

Or, le temps presse pour y parvenir. L'Assemblée nationale termine ses travaux vendredi et l'accord de tous les élus est nécessaire pour boucler cette procédure accélérée avant la fin de la session. Puisque le projet de loi a été déposé après le 15 mai, une seule objection suffit pour bloquer la tenue d'un vote final.

Si le projet de loi 400 se rend au vote final, le gouvernement aura besoin d'une majorité simple de députés pour l'adopter. Sinon, il pourrait aussi invoquer le bâillon, une procédure d'exception utilisée pour adopter rapidement un projet de loi. 

Une commission parlementaire mouvementée 

À l'Assemblée nationale, mardi, le Parti québécois (PQ), la Coalition avenir Québec (CAQ) et la députée indépendante Martine Ouellet ont présenté des amendements au projet de loi 400 qui doit permettre à La Presse de se transformer en organisme à but non lucratif (OBNL).

Dans un premier amendement, le leader parlementaire péquiste, Pascal Bérubé, a proposé que le gouvernement encadre la composition du futur conseil d'administration de La Presse. Le PQ souhaite entre autres que le projet de loi 400 prévoit «l'exclusion de tout administrateur d'une société liée au précédent propriétaire» et «réserve trois administrateurs issus des membres et choisis au vote universel de ceux-ci.» 

Cet amendement, comme ceux présentés par la CAQ et par Martine Ouellet, a toutefois été jugé irrecevable par la présidente de la commission, Rita de Santis.

Dans un jugement rendu aux membres de la commission, Mme de Santis a expliqué que « les amendements [proposés] ne doivent pas dépasser la portée d'un projet de loi, ni introduire un nouveau principe à ce dernier ».

« Le principe du projet de loi 400 [adopté le 11 juin à l'Assemblée nationale], a expliqué la présidente de la commission parlementaire, est de retirer toutes restrictions au transfert des actions et des actifs de La Presse, et ce, sans condition. Le projet de loi a donc un seul principe bien défini et assez restreint. » 

Longue procédure 

Le projet de loi, qui est rendu à l'étape de l'étude détaillée en commission parlementaire, vise à abroger une vieille loi de l'Assemblée nationale qui encadre la structure de propriété du journal. La députée indépendante Martine Ouellet souhaite que Québec garde une disposition de la loi qui assure que La Presse demeure une propriété québécoise. 

«Si nous votions le projet de loi tel qu'il est écrit actuellement, il serait possible à La Presse de vendre à une entreprise étrangère. On perdrait le siège social» du journal, a indiqué la députée indépendante en commission parlementaire. 

«C'est très important qu'on puisse maintenir cette volonté [à l'époque du législateur] de ne pas perdre le siège social. Je comprends toutefois la volonté de La Presse de vouloir se transformer en OBNL. Je pense qu'il ne faut pas l'empêcher. Mais je pense qu'on peut avoir des dispositions et des amendements qui viendraient améliorer et bonifier le projet de loi 400», a poursuivi Mme Ouellet. 

Quelques minutes plus tôt, à l'entrée du Salon rouge, la députée de Vachon a indiqué à La Presse qu'elle n'avait toujours pas décidé si elle s'opposerait à la tenue d'un vote sur l'adoption du projet de loi advenant que le gouvernement écarte ses amendements. 

Pas un référendum sur la ligne éditoriale 

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire (QS), a pour sa part rappelé mardi aux parlementaires que le projet de loi 400 «n'est pas un référendum sur les positions éditoriales de La Presse». 

Si sa formation politique a souvent été opposée aux positions défendues par les éditorialistes de La Presse, «ce n'est pas à l'État de venir décider de l'organisation interne d'un média», a poursuivi le député solidaire. 

Lundi, le Parti québécois et Martine Ouellet ont voté contre le principe du projet de loi 400. Pour Pascal Bérubé du Parti québécois, trop de questions subsistent concernant l'avenir de La Presse et le caractère «précipité» du projet de loi. 

En commission parlementaire, mardi, M. Bérubé a de nouveau rappelé que les éditoriaux de La Presse ont toujours appuyé le Parti libéral du Québec lors des dernières élections. Le député a également soulevé des questions de gouvernance, notamment sur la nomination du futur président du conseil d'administration de l'OBNL qui serait propriétaire de La Presse

Aux analystes qui croient que la démarche péquiste à l'égard du projet de loi 400 est partisane, Pascal Bérubé affirme qu'il s'agit «d'un procès d'intention qui n'a pas sa place».

- Avec La Presse Canadienne