Craignant que son nouveau régime d'évaluation environnementale s'avère trop complexe, le gouvernement Couillard fait appel à deux vétérans de la fonction publique pour faire atterrir cette importante réforme.

La ministre de l'Environnement, Isabelle Melançon, confiera mardi un mandat spécial à Suzanne Giguère et à Jean Pronovost. Ces deux mandarins au long parcours dans la fonction publique seront chargés de la conseiller sur le cadre réglementaire qui donnera suite à la refonte de la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE).

Aujourd'hui retraitée, Mme Giguère a de nombreuses années d'expérience dans la fonction publique, notamment au ministère de l'Environnement. M. Pronovost a été sous-ministre dans cinq ministères et il a rédigé un important rapport sur le monde agricole en 2008.

Leur mandat sera d'épauler Mme Melançon, qui souhaite s'assurer que la réforme remplisse son objectif de simplifier le régime d'évaluation environnementale.

Québec a adopté l'an dernier le projet de loi 102, première modernisation de la LQE depuis sa création en 1972. Le fait saillant de la réforme est l'ajout d'un « test climat » dans le processus d'examen des projets. Québec vise toutefois un autre objectif : rendre l'évaluation des projets plus claire, plus simple et plus rapide pour les promoteurs.

À ce jour, plusieurs pans de la loi ne sont toujours pas entrés en vigueur. La grève des juristes de l'État a retardé de plusieurs mois l'élaboration du cadre réglementaire devant leur donner vie. Ce n'est qu'en février que la ministre Melançon a été en mesure de présenter 24 projets de règlements.

La ministre a depuis tenu deux séances d'information publiques et mené une consultation exhaustive. Elle a reçu pas moins de 201 mémoires au cours des dernières semaines.

Complexe

Le processus a révélé un problème inattendu : plusieurs intervenants de l'industrie et du monde municipal craignent que la réforme rende le processus d'approbation environnementale encore plus complexe qu'il ne l'était dans certains cas.

« Il y a un nombre substantiel de commentaires relativement à la complexité de ces règlements, a convenu une source gouvernementale. C'est précisément ce qu'on veut éviter. »

Les règlements prévoient que les projets les moins risqués pourront être approuvés sur la simple présentation d'une « déclaration de conformité ». Cette mesure permettra de réduire le nombre d'autorisations environnementales ministérielles de 30 % par année. Mais tous ne s'entendent pas sur la nature des projets qui devraient profiter de cette voie rapide.

En ce qui concerne d'autres projets, plus risqués, certains craignent que le processus réglementaire devienne plus lourd qu'auparavant. En entrevue à La Presse à la fin du mois de mars, l'avocat spécialiste Charles Kazaz a prévenu que les règlements dans leur forme actuelle dressent une longue liste d'éléments que les fonctionnaires devront considérer au moment d'évaluer un projet.

« Pour moi, ce que ça veut dire au niveau pratique, c'est qu'on va creuser chaque élément, probablement adopter des guides et des lignes directrices, dit-il. Chaque élément devra être vérifié et validé. Et donc, ça va alourdir le processus d'une demande. »

Le temps presse pour faire aboutir la réforme. L'évaluation environnementale est actuellement régie par une série de règlements temporaires qui viendront à échéance le 1er décembre. Entre-temps, les élections auront lieu le 1er octobre.