À quatre mois des prochaines élections, la Coalition avenir Québec (CAQ) a édulcoré sa position sur l'immigration. Plus question pour le Québec d'expulser des immigrants qui, au bout de trois ans, n'ont pas appris le français ou ne cherchent pas un emploi ; il appartiendra à Ottawa de procéder éventuellement à des évictions.

Dans un « document d'orientation » sur l'immigration publié ce mois-ci, la CAQ se défend de vouloir expulser ou extrader des immigrants : « le recours à ce vocabulaire témoigne d'une mauvaise foi ou d'une méconnaissance de nos institutions », indique-t-on. Un immigrant « récalcitrant » qui ne respecterait pas l'engagement pris à son arrivée ne serait plus admissible au Certificat de sélection du Québec ; « le gouvernement du Québec fera alors parvenir au gouvernement fédéral un avis officiel pour l'informer de la présence en territoire canadien d'une personne sans statut. Le gouvernement fédéral décidera alors des mesures qu'il entend prendre ».

« [Le pouvoir d'expulsion], je ne pense pas avoir jamais dit que ce serait le gouvernement qui le ferait. Le seul pouvoir que le Québec a est d'accorder ou non un certificat de sélection. » - François Legault, chef de la CAQ, dans un entretien avec La Presse

Sans ce certificat, « techniquement, la personne se retrouve sans statut, donc elle ne peut rester au Canada ».

En conférence de presse, le 16 mars 2015, en présentant la politique avec le député Simon Jolin-Barrette, M. Legault s'était fait demander si les contrevenants seraient expulsés. « L'immigrant [qui] ne reçoit pas son certificat permanent, bien oui, il devra retourner, puis le gouvernement fédéral devra s'assurer que cette personne retourne chez elle », avait-il dit. Plus tard, à une autre question sur l'éviction des immigrants récalcitrants, il avait ajouté qu'ils pourraient être candidats dans d'autres provinces, mais pas au Québec. « Ils ne peuvent pas rester de façon permanente même s'ils se sont fait une blonde, un chum au Québec puis qu'ils ont eu un enfant. À un moment donné, il y a des lois, puis nous, on pense que c'est important pour le vivre-ensemble québécois que les personnes parlent français, connaissent et respectent les valeurs québécoises et répondent aux objectifs d'employabilité », avait soutenu M. Legault il y a trois ans.

RÉDUCTION TEMPORAIRE

La proposition de la CAQ maintient la réduction du nombre d'immigrants acceptés chaque année - des 50 000 actuels, on voudrait passer à 40 000. « C'est une réduction temporaire », a expliqué hier M. Legault, qui rappelle qu'après 10 ans, 26 % des immigrants reçus ont quitté le Québec. « Pendant un certain nombre d'années, il faut réduire le nombre. Actuellement, à 50 000, on excède nos capacités à l'emploi et à la formation en français », observe-t-il. La barre sera remise à 50 000 une fois ces objectifs atteints. « Au cours d'un mandat ? Je ne veux pas fixer de délais, mais cela pourrait être ça », a précisé M. Legault.

Selon le premier ministre Philippe Couillard, la position de la CAQ illustre que pour ce parti, l'immigration « est un problème à régler ». « [Une autre idée] de M. Legault qui est brouillonne et inapplicable à plusieurs égards. Ce que sous-tend ce discours-là, c'est le fait que l'immigrant est un problème ; c'est un problème à régler, alors que c'est une occasion extraordinaire pour le Québec », a lancé M. Couillard en marge du point de presse où il a confirmé qu'Alexandre Taillefer deviendrait président de la campagne électorale du Parti libéral du Québec (PLQ).

« IRRÉALISTE », SELON LE PQ

Au Parti québécois (PQ), on qualifie la position de la CAQ en matière d'immigration d'« irréaliste ».

« Ce n'est pas sérieux, a martelé hier le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée. Ce que la CAQ dit, c'est : "On va faire entrer jusqu'à 100 % d'immigrants qui ne connaissent pas le français puis, après trois ou quatre ans, s'ils ne l'ont pas appris, ils vont rester parce qu'on va demander au fédéral de les expulser, [mais] le fédéral ne va pas les expulser." »

« On est au coeur de l'imagination fautive de la CAQ, proposer des affaires qui ne se peuvent pas, qui n'existera pas, qui ne sera pas appliquée », a souligné M. Lisée.

- Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse