Pour une rare fois, les partis politiques ont attaqué de front le président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, en commission parlementaire.

M. Chagnon a dû répondre pendant deux heures, jeudi, aux questions des whips de chaque parti, qui exigent plus de transparence de sa part.

Ils veulent notamment que le détail des dépenses effectuées dans le cadre de missions interparlementaires soit rendu public.

Ces missions sont une occasion pour le président et certains députés de voyager partout à travers le monde afin d'échanger avec d'autres élus sur divers enjeux tels que la culture, l'éducation et la place des femmes en politique.

Jeudi, lors de l'étude des crédits budgétaires de l'Assemblée nationale, M. Chagnon a défendu la pertinence des voyages, même s'il reconnaît qu'ils ont longtemps été considérés comme «un magasin de bonbons», c'est-à-dire une forme de récompense. «Aujourd'hui, ces choses-là ont beaucoup changé», a-t-il maintenu.

«On a des obligations internationales, a-t-il expliqué. Nous avons 31% de notre produit intérieur brut (PIB) qui est exporté. Les importateurs et les exportateurs doivent avoir des liens étroits.»

Le député du Parti québécois (PQ) Sylvain Gaudreault s'est dit «troublé» par les articles de presse parus récemment, qui titraient «L'Assemblée nationale: cancre de la transparence», «Aura de mystère autour des dépenses à l'Assemblée nationale» ou encore «Des allocations de logement entourées de secret».

Les articles allèguent entre autres que Jacques Chagnon dépense exagérément - «des rumeurs», s'est défendu le principal intéressé.

«Ce n'est pas le genre de manchettes qu'on aime voir pour l'Assemblée nationale», a déclaré M. Gaudreault, suggérant que les Québécois risquent de perdre confiance en leur Parlement.

Il a demandé à ce que les dépenses liées aux missions à l'étranger (prix des billets d'avion, indemnités quotidiennes, etc.) soient ventilées très rapidement.

Le député de Jonquière a également demandé à ce que l'Assemblée nationale «ouvre une discussion» pour lever le voile sur les frais de logement, les frais de fonctionnement des bureaux de circonscription et les allocations annuelles de dépenses.

M. Gaudreault a bénéficié, jeudi, de l'appui indéfectible des whips du gouvernement libéral et de la Coalition avenir Québec (CAQ), ainsi que du député de Québec solidaire (QS) Gabriel Nadeau-Dubois.

«Nous tous ici, nous souhaitons que ce soit une gestion des plus transparentes», a déclaré la whip libérale Nicole Ménard en s'adressant directement au président Chagnon.

Le manque de transparence alimente le doute et peut annuler les bienfaits d'une mission, a renchéri le député caquiste Donald Martel.

Il a cité au passage l'exemple de l'ancienne ministre fédérale de la Coopération internationale Bev Oda, qui avait fait les manchettes pour avoir notamment demandé le remboursement d'un verre de jus d'orange à 16 $ commandé lors d'un voyage officiel à Londres.

La CAQ propose également que l'Assemblée nationale se dote d'un mécanisme d'évaluation des missions, quitte à en ajouter ou en annuler dans certains pays.

La question de la transparence sera abordée à la prochaine réunion du Bureau de l'Assemblée nationale, probablement à la fin du mois, a assuré le président Chagnon, qui a tout de même émis certaines réserves.

Si le Québec annule ses missions en Bavière par exemple, «comment ça va être interprété?», s'est-il demandé.

M. Chagnon a aussi indiqué qu'il peut difficilement accélérer le processus de reddition de comptes, puisqu'un certain «laps de temps» s'écoule entre la projection des coûts estimés et la comptabilisation des coûts réels après une mission.

Par ailleurs, la Loi sur l'accès à l'information ne contraint pas les parlementaires à détailler leurs dépenses, a-t-il souligné. «On n'était pas dans l'illégalité ou quoi que ce soit. Mais ce n'est pas parce qu'on n'est pas contraint à une loi qu'on ne doit pas faire une avancée sur les approches, la définition même de la transparence.

«Commençons, bâtissons pour les gens qui vont suivre», a-t-il ajouté.

Jacques Chagnon serait en train de réfléchir à son avenir politique. Il pourrait ne pas se représenter dans Westmount-Saint-Louis cet automne.