Les partis à l'Assemblée nationale se sont moqués allègrement jeudi du chef péquiste Jean-François Lisée, qui propose d'ériger une clôture sur le chemin Roxham en Montérégie, où passent plusieurs demandeurs d'asile irréguliers.

Il suggère de construire une clôture ou d'installer «un panneau, une haie de cèdres, un policier, peu importe» sur le chemin seulement lorsque les migrants auront la permission de se présenter aux postes douaniers, advenant la suspension de l'entente sur les tiers pays sûrs qui lie le Canada aux États-Unis.

Jeudi, le député Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire (QS), a d'abord qualifié «d'inquiétante» l'idée de Jean-François Lisée. D'après lui, ériger une barrière physique à la frontière ne ferait que nuire aux demandeurs d'asile qui la contourneraient, peut-être même «au péril de leur vie».

De plus, le fait d'évoquer des murs, des barrières et des clôtures, renforce l'idée, selon lui, que le Québec est envahi, ou pris d'assaut, ce qui est faux.

«C'est un débat sensible, qu'il faut mener en se tenant loin des solutions simplistes, des solutions démagogiques, a-t-il dit en mêlée de presse à l'Assemblée nationale. Moi, de voir M. Lisée traiter cette question-là avec autant de légèreté, faire des petites blagues, ah c'est peut-être une haie de cèdres, peut-être un panneau, voyons.

«La haie de cèdres, la clôture de bois, la clôture Frost, le bonzaï, je veux dire, moi-là je trouve que rendu là on se perd dans les détails inutiles», a-t-il ajouté.

Pourquoi ne pas installer un nain de jardin à la frontière, a également ironisé le député Jean-François Roberge, de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Dans les faits, l'enjeu est beaucoup plus complexe, ont-ils argué. Le Québec ne peut continuer de recevoir des milliers de migrants irréguliers par le chemin Roxham chaque année sans qu'Ottawa lui fournisse de l'aide, et sans qu'il s'attaque à la source du problème.

Aux yeux de Québec solidaire, les migrants fuient d'abord et avant tout la «misère, la détresse et la guerre». «C'est à ces phénomènes-là qu'il faut s'attaquer», a déclaré M. Nadeau-Dubois, avant de présenter une motion en Chambre à cet effet, motion qui n'a pas obtenu le consentement des partis pour être débattue.

En attendant, et à l'instar du PQ, Québec solidaire propose de suspendre l'entente des tiers pays sûrs, ce qui libérerait les demandeurs d'asile de l'obligation de présenter leur demande dans le premier pays sûr où ils arrivent. Ils pourraient ainsi se tourner vers les postes frontaliers soit américains ou canadiens sans craindre d'être refoulés.

Ce n'est pas chose faite: le gouvernement fédéral doit négocier ce genre de suspension avec le gouvernement américain. Non seulement il n'a pas promis de le faire, mais tout indique que le Canada en a déjà plein les bras avec la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

La CAQ quant à elle propose depuis quelque temps de mieux répartir les demandeurs d'asile irréguliers sur le territoire canadien. «Il ne faut pas bloquer le chemin», a maintenu M. Roberge. Il demande que le Québec se «tienne debout» devant Ottawa et qu'il exige une meilleure diffusion de l'information auprès des gens qui veulent demander l'asile au Canada, pour qu'ils le fassent «en toute connaissance de cause».

«En ce moment, un sur deux va être retourné au terme d'un processus d'évaluation, a-t-il affirmé. Informons-les comme il le faut.»

D'Ottawa, le ministre fédéral de l'Immigration, Ahmed Hussen, est également intervenu dans le débat, en assurant avoir la situation bien en main. Nul besoin, selon lui, d'une «rhétorique divisive».

«Parler de murs ou de choses comme ça, (...) ces suggestions sont irresponsables et inapplicables», a-t-il dit.

Pour sa part, le premier ministre Philippe Couillard a dit vouloir laisser M. Lisée expliquer ces positions. «D'ailleurs, c'est ce que je demande aux chefs de partis: exprimez vos positions, expliquez-les, défendez-les, assumez-les», a-t-il déclaré.

Jean-François Lisée a affirmé jeudi avoir bien choisi ses mots. En marge d'une activité au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), il s'est défendu de vouloir titiller la fibre identitaire des Québécois.

«Ce chemin est une honte, a-t-il martelé. Depuis un an, on travaille au Parti québécois à trouver des solutions plus humaines, plus correctes, plus respectueuses de ce que nous sommes et de ces personnes qui veulent vivre avec nous.»