Les directeurs de police craignent que Québec ne favorise la vente d'alcool de contrebande par son projet de loi modernisant la vente d'alcool, alors qu'on permettrait aux établissements licenciés de préparer des carafons de vin et des mélanges de boissons alcooliques avant qu'ils soient commandés, avec l'obligation de les vendre le jour même.

Dans son mémoire qui sera déposé aujourd'hui à la dernière journée d'auditions de la commission parlementaire étudiant le projet de loi 170, l'Association des directeurs de police du Québec prévient que « des produits non identifiables pourraient être substitués frauduleusement par certains titulaires de permis [d'alcool] pour d'autres produits moins dispendieux, peut-être même de qualité non contrôlée ».

« Certains tenanciers de bar pourraient, par exemple, faire du transvidage et favoriser ainsi la contrebande d'alcool, puisqu'on ne sera pas en mesure de vérifier ce qu'ils versent réellement dans les carafons », plaide Helen Dion, présidente de l'Association, en entrevue avec La Presse.

Selon les directeurs de police, une telle mesure serait « un important recul dans la lutte contre l'alcool de contrebande », ouvrant aussi la porte à d'autres enjeux d'hygiène et de sécurité des consommateurs, notamment en ce qui concerne la présence de GHB et d'autres drogues.

UNE VOIE D'ACCÈS AU CRIME ORGANISÉ ?

Mme Dion présente également certaines inquiétudes quant à la volonté du gouvernement de permettre aux personnes qui ont un permis de travail, mais qui n'ont pas la citoyenneté canadienne d'obtenir un permis d'alcool.

« Toute demande de permis par une personne doit faire l'objet d'une vérification et d'une validation. Elle ne doit notamment pas avoir d'antécédents judiciaires [au cours des cinq dernières années]. On aura de la difficulté à faire cette vérification pour une personne qui vient ici avec un permis de travail. Il faudra prendre contact avec le pays d'origine pour voir si elle est liée ou non au crime organisé », explique Helen Dion.

Dans son mémoire, l'Association des directeurs de police joint également sa voix à celle d'autres intervenants qui ont présenté des mémoires en commission parlementaire et qui souhaitent que les serveurs suivent une formation obligatoire sur le service responsable de boissons alcoolisées.

« Il serait [également] intéressant que des procédures pénales [et] judiciaires puissent être enclenchées à l'égard d'un établissement d'où provient un client si ce dernier cause un accident de la route ayant comme résultat des dommages corporels suite à un état de capacités affaiblies », ajoute-t-on.

Les auditions publiques du projet de loi 170, présenté par le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, se termineront aujourd'hui. Le gouvernement a par le passé affirmé qu'il souhaitait adopter cette loi avant la fin de la présente législature.