Le gouvernement Couillard et le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) se renvoient la balle au sujet de la collecte de données personnelles par les partis politiques.

Alors que le gouvernement s'apprête à déposer une motion demandant au DGEQ de «vérifier» les méthodes employées par les partis politiques pour récolter des données sur les électeurs, le DGEQ assure qu'il n'a pas ce pouvoir.

Il affirme que les élus devraient changer la loi électorale, car pour l'instant «les partis politiques ne sont pas assujettis à aucune loi en matière de protection des renseignements personnels», selon la porte-parole du DGEQ, Alexandra Reny.

«Si on nous demande de donner suite à la motion comme elle est libellée présentement, dans l'état actuel des lois ce ne serait pas possible pour nous», a-t-elle tranché.

À l'heure actuelle, il est tout à fait possible pour les partis politiques de recueillir des renseignements auprès de tiers ou d'autres sources que le DGEQ.

Le gouvernement libéral a défait une motion de Québec solidaire (QS) mercredi, qui demandait aux partis politiques de rendre publiques les ententes les liant à des entreprises offrant un service de récolte de données numériques ou un service de ciblage des électeurs.

La ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, Kathleen Weil, a assuré vouloir aller plus loin, c'est-à-dire «qu'au-delà des paroles, (...) que le DGEQ puisse lui-même aller vérifier directement au sein des différents partis politiques afin de s'assurer de la conformité des méthodes de récolte de données personnelles et de s'assurer du consentement à la collecte de ces données».

Elle croit que ce processus, qui est «neutre et indépendant», est nécessaire afin de «rassurer les Québécois» que leur vie privée est protégée.

Après le scandale Facebook-Cambridge Analytica, le premier ministre Philippe Couillard avait dit soupçonner la Coalition avenir Québec (CAQ) et QS de faire affaire avec une firme qui collecte des données sur les réseaux sociaux comme Facebook, pour épier et cibler les électeurs.

Le premier ministre avait alors assuré que le Parti libéral du Québec (PLQ) était irréprochable en matière de collecte.

La CAQ et QS n'ont pas mis de temps à démentir. Questionné sur cet enjeu, le chef caquiste François Legault a assuré que son parti ramassait par lui-même ses données.

La ministre cible la CAQ

La CAQ s'était targuée en octobre d'avoir payé «dans les sept chiffres» pour un outil informatique servant à centraliser plusieurs informations sur les électeurs pour les organisateurs et militants caquistes, qui peuvent ainsi identifier les sympathisants lors des élections.

Or, M. Legault soutient maintenant que l'outil «n'a pas coûté un million». «On a vu une contradiction à la CAQ entre le président du parti et le chef par rapport aux coûts de leurs logiciels», a déclaré la ministre Weil, mercredi.

«On ne voulait pas s'en remettre au bon vouloir des paroles, ou le bon vouloir d'un parti», a-t-elle ajouté.

Selon Mme Weil, le DGEQ a toute la compétence et l'expertise nécessaires pour se pencher sur la question des données personnelles et faire des recommandations au gouvernement. La ministre n'a pas précisé mercredi si elle s'attendait à ce que des changements soient apportés d'ici la prochaine campagne électorale.

Par ailleurs, elle dit s'en remettre entièrement au DGEQ pour qu'il décide si l'envoi de pétitions par les partis politiques pour récolter des données personnelles devrait être encadré.

Québec solidaire, par exemple, met en ligne des pétitions sur différents sujets dans l'espoir d'attirer les électeurs et d'obtenir leurs adresses électroniques.

La pétition demandant à Philippe Couillard de se débarrasser du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, en est un bel exemple.

«Si d'aventure on nous disait: "Bien, cette pétition-là n'était pas 100 % casher", bien, on va se conformer, puis ça va nous faire plaisir», a affirmé le co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois.

«Il y a une absence de balises, puis il faut avoir le courage de le dire», a-t-il ajouté.

Déjà, dans son rapport annuel de gestion 2012-2013, le DGEQ recommandait une révision de la loi électorale en matière de protection des renseignements personnels.

Dans son rapport annuel de 2016-2017, il se disait «préoccupé» par la mise en place de banques de données qui recueillent des renseignements sur les électeurs sans que ces derniers aient consenti à cette collecte.

Il suggérait que les électeurs puissent avoir la possibilité de refuser que les renseignements personnels qu'il détient soient communiqués aux partis politiques, aux députés et aux candidats.

Plus particulièrement, il recommandait de ne plus inclure le sexe et la date de naissance des électeurs dans les listes électorales qui sont transmises aux partis politiques, aux députés et aux candidats, considérant que ces renseignements ne leur sont pas nécessaires pour communiquer avec les électeurs et que le Québec est la seule province au Canada à donner ce type de renseignement.

La motion du gouvernement:

«Que l'Assemblée nationale rappelle que les partis politiques ne peuvent utiliser les données personnelles des électeurs sans leur consentement;

Qu'elle demande au Directeur général des élections du Québec de vérifier auprès des partis politiques les méthodes de récolte de données personnelles des directeurs et d'en vérifier la conformité avec les lois applicables;

Qu'enfin, l'Assemblée nationale demande au Directeur général des élections du Québec de rendre public son rapport dès que possible.»