En pleine négociation avec Québec pour obtenir une compensation financière pour la perte de valeur de leurs permis, les représentants de l'industrie du taxi s'entredéchirent sur la façon d'y arriver. À la tête de Téo Taxi, Alexandre Taillefer accuse les « grands princes du taxi » de chercher à maintenir un « régime féodal » pour « continuer à louer des pneus, à offrir du crédit et à profiter du cash non déclaré ».

Depuis le 11 janvier, les représentants de l'industrie du taxi ont tenu trois rencontres avec le ministère des Finances pour négocier une compensation financière à verser aux propriétaires et chauffeurs de taxi à la suite de l'arrivée d'Uber sur le marché québécois.

Taxis du Grand Montréal et Rive-Sud, un regroupement de propriétaires, soutient que la valeur des permis de taxi, qui frôlait les 200 000 $ en 2013, a chuté de 47 % depuis l'arrivée d'Uber au Québec. Le gouvernement conteste le calcul, jugeant qu'Uber n'est pas le seul élément qui a fait baisser la valeur de ces permis. L'obligation pour les chauffeurs d'accepter les courses payées avec des cartes de crédit a démontré qu'ils tirent des revenus légèrement plus élevés que ce qu'ils prétendent. L'installation imminente de « mouchards » qui enregistreront obligatoirement toutes les transactions et exposeront l'ensemble des revenus du taxi au fisc joue aussi sur la baisse de valeur des permis, estime-t-on à Québec.

Voulant forcer le gouvernement à leur garantir une compensation financière, les représentants de l'industrie du taxi ont demandé au ministère des Finances de prévoir une provision de 500 000 $ dans le prochain budget de Carlos Leitão. Mardi soir, les négociateurs gouvernementaux ont opposé une fin de non-recevoir à cette demande, provoquant la colère de Taxis du Grand Montréal et Rive-Sud et du Regroupement des intermédiaires de taxi de Québec, qui représentent des propriétaires. « Toute l'industrie était d'accord sur une seule proposition : réserver dans le budget un montant pour compenser la perte de valeur des permis de taxi, soit 500 millions. Nous, on ne veut plus se déplacer à Québec pour aller discuter juste de chiffres. On veut que le gouvernement réserve un montant pour nous compenser », insiste Michel Aboujaoudé, porte-parole de Taxis du Grand Montréal et Rive-Sud.

« UN RÉGIME FÉODAL », SELON TAILLEFER

L'homme d'affaires Alexandre Taillefer, dont l'entreprise Téo Taxi participe aux discussions, estime que ce regroupement de chauffeurs est en partie responsable du blocage des discussions. « Il ne fait pas de doute que le gouvernement est ouvert à une compensation. [Mais] dans le cadre d'une négociation, il serait étonnant que le gouvernement mette un montant en provision dans le budget », croit M. Taillefer. « Ces propriétaires refusent toute discussion, toute amélioration, toute flexibilité », ajoute-t-il, dans un courriel transmis hier à La Presse.

Selon lui, ces propriétaires de taxi « bénéficient d'un régime féodal » qui leur permet de louer leurs voitures à des chauffeurs non propriétaires pour 550 $ comptant par semaine. « Ces gens qui crient et qui font croire être les représentants de l'industrie sont en fait les grands princes du taxi [qui] cherchent à maintenir les artisans dans un état de dépendance », soutient M. Taillefer. 

L'avocat Marc-Antoine Cloutier, qui négocie au nom des Partenaires pour la modernisation du taxi au Québec, reconnaît que la négociation entourant la compensation financière est complexe. « La vraie question, au-delà des montants, est de savoir quels scénarios le gouvernement envisage pour l'avenir. Le fait qu'il n'y ait pas de limite au nombre de voitures qu'Uber peut exploiter est catastrophique pour l'industrie », dit-il.