Le premier ministre Philippe Couillard lance une mise en garde à Ottawa: le gouvernement du Québec réclamera une compensation si le gouvernement fédéral met sur pied un régime d'assurance-médicaments national.

Rien n'est encore fait, mais le gouvernement Trudeau a signalé son intention de s'inspirer du modèle québécois pour instaurer un plan pancanadien. Une première étape a été franchie: le budget déposé mardi prévoit la création d'un conseil consultatif qui se penchera sur la chose.

La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, n'a pas voulu dire ce que cela pourrait avoir comme impact pour le Québec, mardi. Mais au lendemain du dépôt du budget, Philippe Couillard, lui, a voulu dire que le gouvernement québécois surveillerait cela de près.

«Si un jour le reste du Canada veut se doter d'une assurance-médicaments comme on a, qui couvre tout le monde, à ce moment-là, on va dire: "Bien écoutez, compensez-nous pour l'effort qu'on a fait depuis le début"», a tranché le premier ministre en mêlée de presse.

«Il faut quand même réaliser que le Québec l'a fait à ses frais depuis de nombreuses années», a ajouté M. Couillard.

Il a insisté sur le fait que le gouvernement québécois «tient beaucoup» à sa juridiction dans le domaine de la santé et que «l'accès aux médicaments fait partie du système de santé». Le choix qu'a fait le Québec «coûte cher», mais «ça vaut ça», a tranché le premier ministre.

Le gouvernement québécois veut «garder le choix - important, parce que ça a un impact majeur sur les finances publiques du Québec - des médicaments qui sont inscrits ou non», a-t-il dit au micro des journalistes en marge d'une visite d'un entrepôt à Québec.

Le bureau du premier ministre Couillard n'avait pas précisé à combien pourrait se chiffrer un éventuel dédommagement, mercredi après-midi.

Du côté d'Ottawa, le député néo-démocrate Alexandre Boulerice a abondé dans le même sens que le premier ministre en ce qui a trait au droit de retrait avec pleine compensation, au nom du principe du fédéralisme asymétrique auquel adhère sa formation.

«Si c'est quelque chose qui existe déjà au Québec ou qui est semblable, ça veut dire un transfert de fonds. Le Québec peut se retirer avec un chèque au bout de la ligne», a tranché celui dont le parti fait depuis belle lurette la promotion de la mise sur pied d'un tel régime.

Au Parti conservateur, on a critiqué la proposition libérale. Le député Maxime Bernier y voit une intrusion dans le champ de compétence des provinces. «C'est une réforme qui peut se faire au niveau provincial. Il faut respecter la Constitution canadienne», a-t-il soutenu.

Son collègue Alain Rayes, lieutenant politique de la formation au Québec, a fait le même diagnostic. «Je pense que c'est aux provinces à faire cette gestion-là, et j'ose croire que les provinces vont revendiquer ce pouvoir-là qui leur appartient», a-t-il offert.

Le conseil aviseur dont la création a été annoncée mardi par Ottawa sera piloté par le Dr Eric Hoskins, qui était jusqu'à tout récemment ministre de la Santé de l'Ontario. Il a démissionné à la veille du dépôt du budget fédéral pour en prendre les rênes.

Le choix du gouvernement Trudeau a fait tiquer Maxime Bernier. «Moi, je m'inquiète lorsqu'un ministre du gouvernement libéral de l'Ontario, qui est un gouvernement très socialiste, vient donner des conseils au gouvernement du Canada», a-t-il pesté.