L'entente conclue avec les médecins spécialistes permettra d'épargner des milliards de dollars de fonds publics, promet le premier ministre Philippe Couillard.

«C'est la surprise qui vous attend demain», a dit M. Couillard, lors d'une mêlée de presse, jeudi, en marge d'une tournée en Beauce et dans la région de Bellechasse.

Il commentait alors les propos tenus plus tôt en Chambre par le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand, qui affirmait que l'entente controversée contenait des clauses «qui vont certainement sauver des milliards de dollars, à l'avenir, aux Québécois». Il n'a pas élaboré pour dire de quelle façon.

Depuis une semaine, le premier ministre subit les foudres des partis d'opposition qui jugent que Québec a offert un bar ouvert sur le plan monétaire aux médecins spécialistes, au détriment des services offerts aux patients.

«Il y a des gens qui vont trouver qu'ils ont parlé, écrit et commenté un peu trop rapidement», a-t-il dit, à propos du contenu présumé de cette entente, qui a fait l'objet de nombreuses fuites.

Les grandes lignes du document confidentiel devraient être rendues publiques ce vendredi.

Le ministre Arcand et son collègue de la Santé, Gaétan Barrette, étaient sur la défensive, une fois de plus jeudi, pour tenter de vanter les mérites de cette entente et justifier la hausse de rémunération accordée aux médecins spécialistes, assortie du versement d'un montant non récurrent de 480 millions d'ici 2023.

L'entente controversée et décriée par les partis d'opposition a été conclue vendredi dernier entre les deux parties, en vue d'encadrer la rémunération et les conditions de pratique des médecins spécialistes.

Des fuites ont permis d'apprendre notamment que le revenu des médecins spécialistes devrait faire un bond de 11,2% d'ici 2023. Ils pourront de plus se partager une somme de 480 millions, négociée dans le passé en guise de rattrapage salarial avec leurs collègues des autres provinces, mais jamais versée faute de moyens.

Québec présente le versement de cette somme comme un remboursement de dette et non une augmentation de rémunération.

Non seulement le rattrapage salarial avec le reste du pays a été effectué ces dernières années, mais il appert que les spécialistes du Québec gagnent désormais plus d'argent que leurs collègues des provinces voisines.

En 2016, le revenu des spécialistes québécois dépassait de 36 000 $ celui de leurs collègues ontariens, selon l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), qui est en train de mettre à jour ses données.

Le ministre Gaétan Barrette a convenu en mêlée de presse que les médecins spécialistes du Québec étaient actuellement «en position favorable par rapport à l'Ontario».

Il a affirmé que malgré ce renversement de situation, Québec se devait «d'honorer les contrats qui ont été signés».

Rien n'est prévu dans les ententes passées pour les revoir si jamais le portrait salarial change à travers le pays, a-t-il fait valoir.

Le ministre Arcand a rappelé pour sa part que les médecins ontariens étaient actuellement en négociations avec leur gouvernement et qu'ils souhaitaient voir leur revenu grimper de 40 pour cent.

«Alors il va y avoir aussi en Ontario des augmentations, et c'est pour ça que ces données (de l'ICIS) ont besoin tout à fait d'être réactualisées», a-t-il commenté en Chambre.

En 2016, le revenu moyen d'un médecin spécialiste québécois était de 403 000 $, contre 367 000 $ pour son homologue ontarien. Au sommet de l'échelle, on trouve les radiologistes québécois avec un revenu frôlant les 700 000 $.

La confusion régnait jeudi quant à savoir si l'entente signée vendredi prévoyait de l'argent «neuf» pour les spécialistes. Depuis des jours, le premier ministre soutient que non, mais jeudi le ministre Barrette a dit que oui, «c'est de l'argent neuf» dans le cas de certains honoraires professionnels, notamment dans le secteur de l'imagerie médicale.

Quelques heures plus tard, il a été contredit par le premier ministre, qui a réaffirmé que l'entente ne comportait «pas un dollar d'argent neuf».

M. Couillard a assuré que l'entente stipule que les services additionnels fournis par les spécialistes seraient financés «à même leurs salaires».

Selon le ministre Arcand, ce qu'il faut surtout retenir c'est que l'entente conclue permettra au gouvernement «de contrôler les augmentations de salaires des médecins». Il n'a pas dit comment.

Jour après jour, l'opposition péquiste dénonce les choix budgétaires du gouvernement, qui selon elle favorisent trop les médecins au détriment des patients.

La porte-parole en santé, Diane Lamarre, a dit jeudi que les sommes versées aux spécialistes auraient dû être réservées aux personnes âgées «qui ont besoin de soutien à domicile et qui ont été coupées d'un demi-million d'heures en soutien à domicile l'année dernière».

Selon le député solidaire Amir Khadir, lui-même médecin spécialiste, le ministre Barrette a «perdu toute crédibilité» pour diriger le réseau de la santé.

Il a lancé une pétition (dehorsbarrette.com) dans l'espoir que l'opinion publique exprime sa colère envers le ministre et fasse en sorte de lui faire perdre son poste.