Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, nie faire preuve d'intimidation et se dit la cible d'attaques personnelles. Il convient tout au plus que « des gens se sentent bousculés » par ses décisions, qui « n'ont pas toujours été bien reçues ni perçues ».

La Presse a enquêté sur les méthodes musclées du ministre. Dans un reportage diffusé jeudi, on constate que M. Barrette, un radiologiste, s'est retrouvé au coeur d'un conflit à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont où il pratiquait. Et sept ans après avoir menacé de « tout faire pour nuire au département » de radiologie de cet hôpital et de « détruire un à un » ses anciens collègues, le ministre a tenté il y a quelques mois d'abolir l'un des principaux champs d'expertise de trois radiologistes de cet hôpital.« Je n'ai jamais intimidé personne, a réagi M. Barrette, jeudi. Mais c'est vrai que dans le département dans lequel on était, il y avait une certaine tension. Et je peux vous dire que du langage de ce type-là, ça se disait. »

Considère-t-il avoir eu un comportement acceptable ? « Absolument. Il y a des choses qui sont rapportées totalement hors contexte », a-t-il répondu. La tension était « bidirectionnelle » selon lui. « Du langage ordurier, des quasi-menaces, moi, j'en ai eus aussi ». Pour lui, il y avait un « redressement » à faire dans ce département dont il était le chef, et il « ne s'est pas fait sans heurt ».

Selon un témoignage de son collègue Robert Filion en Cour supérieure, M. Barrette a menacé un autre collègue en ces termes le 3 septembre 2009 : « Carignan, lui, il poignarde les gens dans le dos. Mais moi, je vais le poignarder de face jusqu'à tant qu'il en meure ». Il utilisait d'autres termes crus lors d'un appel téléphonique le 11 décembre de la même année.

« Ce sont de conversations de souper de Noël », a réagi Gaétan Barrette. Et pour lui, « ce sont des images ». Au sujet du « Dr Carignan, je pourrais vous raconter un certain nombre de choses... mais non, elles sont confidentielles », a-t-il glissé.

Il fait valoir que ses collègues lui reprochaient « avec véhémence » de leur imposer un quota d'heures d'enseignement en médecine à l'Université de Montréal. Il a ajouté que le département était dysfonctionnel : « J'ai déjà dû partir de Rouyn-Noranda le jour de l'An pour venir à Montréal parce qu'un collègue refusait de faire un examen d'urgence ».

Pour lui, « c'est un hasard » si ses anciens collègues étaient directement touchés par sa proposition de novembre 2016 visant à supprimer l'échographie cardiaque du champ de pratique des radiologistes afin de réserver cet acte médical aux cardiologues, qui l'exécutent désormais en grande majorité au Québec. Il a justifié la mesure, rejetée par la Fédération des médecins spécialistes, en disant que cet acte est devenu « inutile » pour les radiologues, qui doivent augmenter l'accès aux autres échographies.

« Aujourd'hui, au ministère de la Santé, on (examine) la possibilité d'ouvrir l'échographie à toutes les autres spécialités parce que les radiologues choisissent de ne pas fournir », a-t-il révélé.

Comme ministre de la Santé, « vous ne trouverez pas d'exemple que j'ai fait preuve d'intimidation », a-t-il ajouté plus tard. Il a dû reconnaître qu'il s'est déjà excusé auprès de la députée péquiste Diane Lamarre lorsque les journalistes lui ont rappelé cet épisode.

« Il y a des gens qui, dans le réseau, parce qu'on fait une transformation, considèrent que c'est de l'intimidation. Des médecins vous diraient que je les force, que je les intimide, à changer leur pratique pour donner des services à la population. Je ne peux pas diminuer les listes d'attente et changer le mode de fonctionnement sans qu'il y ait des gens qui se sentent à quelque part bousculés », a-t-il déclaré. « Il n'y a aucun doute que des gens se sentent bousculés, mais de là à franchir le pas entre se sentir bousculés et intimidés... je vous invite à aller voir la définition du mot dans le dictionnaire. »

« Je ne suis pas parfait. Mais il y a une chose qui est vraie, moi dans ma position, et dans toutes les positons que j'ai occupées, j'ai eu à prendre des décisions qui avaient des impacts majeurs. Et c'est sûr que ces décisions n'ont pas toujours été bien reçues ni perçues », a-t-il ajouté.

Le ministre considère qu'il est la cible d'attaques personnelles dans le cadre du reportage. « Vous ne trouvez pas que ça ressemble à ça ? » a-t-il lancé.

« C'est quelqu'un qui doit être contrôlé » 

Du côté de l'opposition, la députée du Parti québécois, Agnès Maltais, a soutenu que le reportage fait la preuve que le ministre Barrette est un « matamore ». 

Le leader parlementaire adjoint de la Coalition avenir Québec (CAQ), Éric Caire, a affirmé que le ministre est, « de toute évidence, quelqu'un qui a besoin d'être contrôlé. » 

« Gaétan Barrette est assez reconnu pour son caractère sanguin. (...) Je pense que c'est au premier ministre de s'assurer que son ministre de la Santé ne dépasse pas les limites », a-t-il dit en marge du caucus de son parti. 

« [Le premier ministre] doit le rappeler à l'ordre. Que Gaétan Barrette soit un impulsif, c'est une chose, mais que le chef du gouvernement regarde ça aller comme un spectateur, c'est autre chose », a-t-il ajouté. 

Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire (QS), se dit pour sa part « scandalisée » par ce qu'elle a appris dans La Presse jeudi matin. 

« Je suis scandalisée. Scandalisée ! La journaliste qui a signé cet article est une femme crédible, on voit que sa démarche est crédible, ça ne se peut pas autant d'abus de pouvoir », a martelé la députée solidaire.

« Aujourd'hui, l'important, c'est que le premier ministre réponde à ces questions-là. C'est son ministre de la Santé, ça fait des mois que nous demandons qu'il démissionne », a-t-elle rappelé.