Le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports (MTMDET) a déboursé pas moins de 42 millions, au cours des six premiers mois de 2017, pour payer des « extras » sur des contrats de consultants ou de construction routière, selon les données rendues publiques hier à l'Assemblée nationale.

Selon Benoît Charette, député de Deux-Montagnes et critique de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière de transports, le montant des extras payés en seulement six mois, cette année, équivaut presque déjà au total des avenants versés durant toute l'année 2016, soit 47 millions.

Depuis 2014, la somme de tous les extras payés par le Ministère pour ses contrats de construction ou de consultants s'élève à 235 millions, selon une compilation effectuée par la CAQ à partir des données publiées par le MTMDET sur son site web.

Le ministre des Transports, André Fortin, n'a pas nié hier les sommes calculées par la CAQ. Il a toutefois assuré que même si 17 % des contrats de son ministère - soit un contrat sur six - donnent lieu à des extras, « la valeur des contrats terminés est quand même plus basse que la valeur des contrats estimée au début ».

Les avenants payés par le MTMDET depuis le début de 2017 ne concernent pas que des contrats signés durant l'année en cours. Dans certains cas, les sommes versées découlent de travaux additionnels, d'imprévus ou du règlement de dossiers judiciarisés sur des contrats qui remontent à aussi loin que 2011 ou 2012. Selon le Ministère, le traitement des réclamations présentées par des entrepreneurs peut prendre entre 24 et 36 mois, en moyenne.

Des augmentations de plus de 100 %

Depuis le début de 2017, le Ministère a ainsi versé des avenants sur une soixantaine de contrats. Dans au moins cinq cas recensés par La Presse, la somme versée en extra a représenté une dépense additionnelle de plus de 100 % par rapport à la valeur initiale du contrat.

Dans trois de ces cinq dossiers, le contrat initial avait été conclu de gré à gré entre le Ministère et l'entreprise bénéficiaire de ces avenants.

Par ailleurs, selon les données du MTMDET, au moins cinq contrats de construction réalisés entre 2010 et 2016 ont donné lieu à des versements additionnels de 3 à 7 millions.

Pour le député caquiste de Deux-Montagnes, le problème récurrent des avenants sur les contrats de construction démontre surtout que rien ne change, même si le MTMDET en est à un quatrième ministre depuis l'élection du gouvernement libéral de Philippe Couillard.

« En juin dernier, rappelle M. Charette, la vérificatrice générale du Québec a pourtant déposé encore un rapport accablant sur la gestion des contrats au ministère des Transports. Ce n'était pas le premier, loin de là. Mais dans ce rapport, elle signalait que dans la majorité des cas où des extras ont été payés, les travaux additionnels débutent avant même que les autorisations aient été données. »

Pour le député de Deux-Montagnes, cette situation révèle un problème plus profond, qui découle du manque d'expertise interne au sein du Ministère. Ce manque d'expertise fait en sorte qu'il faut entre deux et trois ans pour analyser les demandes de réclamation des entrepreneurs. Et en raison de ces délais « déraisonnables », les entrepreneurs se trouvent à engager des dépenses additionnelles sans y avoir été autorisés.

« Dans ce contexte, comment peut-on s'attendre à ce qu'il y ait un suivi rigoureux au niveau des dépenses ou du respect des contrats ? a déploré M. Charette. C'est faire fi de tous les avertissements donnés par la vérificatrice générale au fil des années. »

Une économie de 200 millions, selon Fortin

En entrevue à La Presse, hier, le ministre André Fortin a tenu à mettre ces données en perspective. Depuis huit ans, a-t-il affirmé, le MTMDET a versé un total de 400 millions en avenants sur 17 % de ses contrats. Mais au cours de la même période, 83 % des contrats de ce ministère ont été réalisés à un prix égal ou inférieur au coût estimé, pour des économies de 600 millions par rapport à leur valeur initiale.

Photo Jacques Boissinot, archives La Presse canadienne

Benoît Charette, député de Deux-Montagnes et critique de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière de transports

«Au net, depuis 2009, les contribuables ont ainsi sauvé 200 millions par rapport au coût prévu», a dit M. Fortin.

Sur le plan de l'expertise interne, le ministre a indiqué qu'un plan global a été mis en oeuvre « pour instaurer de meilleures pratiques d'affaires » afin de réduire le délai d'analyse et de traitement des réclamations des entrepreneurs « qui peuvent attendre jusqu'à deux ou trois ans pour se faire payer des factures imprévues qui, dans bien cas, sont légitimes ».

M. Fortin a ainsi indiqué qu'une firme externe sera embauchée par le MTMDET afin de réduire le nombre des réclamations en attente. Cette firme, précise-t-il, aura seulement le mandat de faire des recommandations qui devront ensuite être approuvées par un comité formé de quatre sous-ministres avant que le paiement des « extras » soit autorisé.

Le ministre a aussi affirmé que l'équipe interne d'analyse des réclamations du MTMDET passera progressivement de 9 à 15 ingénieurs.