«Raciste», «islamophobe», le projet de loi 62 sur la neutralité religieuse de l'État a été taillé en pièces à l'extérieur du Québec et critiqué de toutes parts ici. Or, révèle un nouveau sondage, les Canadiens anglais y sont largement favorables, et les Québécois encore davantage.

Peu importe, a répondu le premier ministre Trudeau cet après-midi: la défense des droits fondamentaux ne doit pas être tributaire de l'opinion publique, a-t-il fait valoir.

Un sondage Ipsos mené pour le compte de Global News cette semaine révèle qu'en dépit des critiques sévères, 68% des Canadiens sont favorables ou très favorables à la pièce législative.

Pour Sébastien Dallaire, vice-président d'Ipsos Affaires publiques, le constat est implacable.

«La couverture médiatique au Canada anglais n'est pas très bien alignée avec l'opinion publique sur l'idée d'une telle loi», observe-t-il.

L'étude suggère aussi que la position fédérale est elle aussi en porte-à-faux avec l'opinion de la majorité des Canadiens.

«Défendre les droits des autres c'est pas seulement [important] quand c'est populaire et facile de le faire. C'est beaucoup plus important - en tant que pays libre et juste - de défendre les droit aussi quand c'est impopulaire, quand c'est pas facile de le faire», a fait valoir Justin Trudeau, au cours d'une conférence de presse à Saint-Bruno-de-Montarville.

«N'importe qui peut protéger des droits populaires. C'est quand c'est moins populaire que c'est important, a-t-il continué. L'État ne devrait pas être en train de dire aux femmes ce qu'elles doivent et ce qu'elles ne doivent pas porter.»

Le projet de loi 62 «favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État» a été adopté par l'Assemblée nationale la semaine dernière après deux années de débats houleux. Il prévoit que les services publics devront être donnés et reçus à visage découvert.

Les partis de l'opposition ont dénoncé la timidité du projet de loi, qui permettra, par exemple à des femmes en niqab, de demander des accommodements. Au Canada anglais, les critiques ont abondé dans le sens inverse: on reproche au gouvernement Couillard de cibler les femmes musulmanes et d'attiser l'islamophobie.

Or, d'un océan à l'autre, l'appui à la prestation et à la réception de services publics à visage découvert ne se dément pas.

C'est au Québec, là où la loi s'appliquera, que l'appui est le plus fort: 76% des répondants s'y déclarent favorables. Suivent la Colombie-Britannique (69%), la Saskatchewan (69%), le Manitoba (69%), l'Ontario (66%) et l'Alberta (64%). Les provinces atlantiques (57%) sont la seule région où le taux d'approbation se situe sous la barre des 60%.

Le résultat n'est pas entièrement surprenant, dit M. Dallaire. En 2015, l'opinion publique s'est révélée largement favorable à la décision du gouvernement conservateur d'interdire le port du niqab pendant la prestation du serment de citoyenneté. Et ce, tant au Québec qu'au Canada anglais.

«Au Canada anglais, les gens étaient tout aussi favorables, ou presque, à cette initiative-là qu'au Québec, rappelle M. Dallaire. Les chiffres à ce moment-là étaient très semblables.»

Le sondage Ipsos a été mené en ligne du 23 au 25 octobre auprès de 1001 répondants. La marge d'erreur est évaluée à +/- 3,5%, 19 fois sur 20.