Un des principaux défis qui incombera au premier ministre Philippe Couillard en préparant un remaniement de son conseil des ministres, scénario envisagé dès les prochains jours, consistera à insuffler un petit air de jeunesse et de renouveau à son équipe. La tâche pourrait s'avérer plus ardue que prévu.

Le fait est que M. Couillard dirige une équipe vieillissante, bien plus proche du club de l'âge d'or que du club-école.

À l'heure actuelle, plus du tiers de son conseil des ministres (35 %) a plus de 60 ans, et plus de la moitié de son caucus (54 %) compte au moins 55 ans, selon une compilation préparée par La Presse canadienne.

Bon nombre d'entre eux, aujourd'hui fiers grands-parents, étaient déjà sur le marché du travail dans les années 70, voire dans les années 60.

On compte seulement cinq ministres âgés de moins de 50 ans (19 % du cabinet, qui compte 26 personnes au total).

Après trois ans et demi de pouvoir, qui ont suivi de près une décennie de gouvernement Charest, M. Couillard fera tout pour chasser l'étiquette de « gouvernement usé », en fin de régime, que les partis d'opposition tentent de lui coller, à moins d'un an de la prochaine échéance électorale.

Depuis quelque temps, M. Couillard n'a que le mot « transformation » à la bouche. Il ne cache pas son souci d'être associé davantage à l'avenir qu'au passé, disant aimer s'entourer de jeunes et répétant sans cesse qu'il souhaite donner plus de place aux femmes et aux jeunes dans son équipe.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, car un chef de gouvernement doit tenir compte de plusieurs facteurs en formant (ou modifiant) son cabinet : représenter si possible toutes les régions, assurer un bon équilibre entre hommes et femmes, entre ministres expérimentés et novices, et bien sûr prendre en compte les compétences et les ambitions de chacun. En fin de mandat, la volonté ou non de solliciter un nouveau mandat entre aussi en ligne de compte.

Critère numéro un : la date de naissance

Chose certaine, dans la situation actuelle, lorsque viendra l'heure de rebrasser les cartes, la date de naissance des élus deviendra également un critère prépondérant, si le premier ministre est sérieux quand il dit vouloir imposer une cure de jeunesse à son gouvernement.

Près de la moitié (45 %) des membres du caucus libéral, soit 31 des 68 députés, étaient nés avant la Révolution tranquille, certains déjà assis sur les bancs d'école, quand le premier ministre Maurice Duplessis a rendu son dernier souffle, en 1959.

Un des élus de l'équipe Couillard, Norbert Morin (Côte-du-Sud), soufflera 71 bougies sur son prochain gâteau d'anniversaire. Il était déjà conseiller municipal en 1974. Une autre, Nicole Ménard (Laporte), était à l'emploi d'une banque en 1967, un troisième, Pierre Reid (Orford), avait en poche un diplôme universitaire en 1970. Jacques Chagnon (Westmount-Saint-Louis) faisait partie des élus d'une commission scolaire en 1975. Le ministre Pierre Arcand dirigeait une entreprise de communication en 1978. La ministre Rita de Santis était avocate en 1981.

Les 65 ans et plus, l'âge le plus souvent associé à la retraite, forment 18 % du caucus libéral, tandis que les moins de 40 ans comptent pour seulement 8 % du groupe.

À ce jour, aucun des 68 députés et ministres libéraux n'a indiqué son intention de ne pas se présenter aux prochaines élections pour un autre mandat de quatre ans, ce qui pourrait compliquer les choses.

Depuis quelques jours, à la suite de la défaite cuisante des libéraux dans Louis-Hébert, la machine à rumeurs laisse entendre que le premier ministre n'aura d'autre choix que de procéder à un remaniement majeur pour à la fois rajeunir son image, apporter du sang neuf, et calmer la grogne de son caucus, de plus en plus nerveux à l'approche du prochain scrutin.

Certains noms d'éventuelles recrues reviennent constamment dans l'espace médiatique, sans qu'il soit possible de savoir si la rumeur est fondée : Isabelle Melançon (43 ans), députée de Verdun, Véronyque Tremblay (43 ans), députée de Chauveau, et André Fortin (35 ans), député de Pontiac. D'autres noms circulent comme celui de Robert Poëti (62 ans), ex-ministre des Transports, qui pourrait revenir au cabinet après un long purgatoire.

Si des nouveaux venus montent au cabinet, certains anciens devront céder leur place, à moins que le premier ministre choisisse d'augmenter le nombre de limousines, un choix difficile à associer à une gestion serrée des finances publiques, la marque de commerce du gouvernement.

Autre écueil à éviter : un ministre rétrogradé qui s'estime injustement traité et choisit de démissionner, provoquant une élection complémentaire aux conséquences imprévisibles.

Les chefs « du siècle dernier »

Soucieux de cultiver son image de « renouveau », le premier ministre Couillard aime aussi prendre une distance de ses rivaux, Jean-François Lisée, du Parti québécois, et François Legault, de la Coalition avenir Québec, en soutenant qu'ils sont - contrairement à lui - des hommes du passé, entrés en politique à une autre époque, avant l'an 2000. « Ils viennent du siècle dernier », sur le plan politique, disait-il en septembre à Val-D'Or.

Or, ils sont nombreux dans son propre camp à « venir du siècle dernier » : Le député de Westmount-Saint-Louis et président de l'Assemblée nationale Jacques Chagnon (65 ans) était déjà député en 1985, le leader du gouvernement, proche collaborateur du premier ministre, Jean-Marc Fournier (58 ans) s'est fait élire en 1994, tout comme le ministre des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley (62 ans), et le député de Marquette, François Ouimet (58 ans). Celui que M. Couillard avait nommé ministre de l'Agriculture, Pierre Paradis (67 ans), s'est fait élire sous la bannière libérale pour la première fois en 1980 et réélire sans interruption depuis, avant de siéger comme indépendant en janvier dernier, après avoir été chassé du conseil des ministres et du caucus libéral, à la suite d'allégations d'inconduite sexuelle.

En fait, si on compare les chefs des trois grands partis sur le plan générationnel, peu de choses les séparent : M. Couillard (60 ans) a débuté sa carrière politique en 2003, tandis que François Legault (60 ans) s'est fait élire en 1998 sous la bannière du PQ, et que Jean-François Lisée (59 ans) a fait ses débuts à titre de conseiller politique du PQ en 1994, avant de se faire élire en 2012.

Faits saillants

- Proportion de ministres âgés de 60 ans et plus : 35 %

- Proportion de ministres âgés de moins de 50 ans : 19 %

- Proportion de députés libéraux âgés de 55 ans et plus : 54 %

- Proportion de députés libéraux âgés de 65 ans et plus : 18 %

- Proportion de députés libéraux âgés de moins de 40 ans : 8 %