Confier l'analyse des «extras» d'entrepreneurs en construction à une firme privée est une décision «aberrante», juge le PQ, qui presse le ministre des Transports Laurent Lessard à «mettre un ''hold''» sur cette décision qui frôle «la catastrophe».

Le critique de l'opposition officielle en matière de Transports, Alain Therrien, ne manque pas de qualificatifs pour décrier l'appel d'offres du ministère des Transports (MTQ), qui souhaite signer un contrat de deux ans avec une firme privée pour réduire de 30% les quelque 200 demandes de réclamations d'entrepreneurs qui s'accumulent depuis des années, selon les informations publiées par La Presse, lundi. 

«On demande avec la commission Charbonneau d'augmenter l'expertise pour faire en sorte qu'on diminue les ''extras'' et qu'on protège les deniers publics dans le plus gros donneur d'ouvrage au Québec, le MTQ, (...) mais là, on apprend qu'en plus de ne pas avoir l'expertise pour traiter les demandes, on se tourne vers le privé plutôt que d'engager plus de gens», analyse le député péquiste. 

«On parle presque d'une catastrophe, poursuit M. Therrien. On privatise la protection des deniers publics dans le secteur des ''extras'', le secteur le plus critiqué au sein de la gestion du MTQ. C'est aberrant.» 

Risque de collusions?

Selon ce qu'a expliqué Guillaume Paradis, porte-parole du MTQ, en entrevue avec La Presse, lundi, le ministère octroie depuis 2007 un grand nombre de contrats, ce qui a mené à plus de réclamations d''«extras». «Nous avons [accumulé des] demandes et nous n'arrivons plus à reprendre le dessus», explique-t-il. 

Jusqu'en 2011, le MTQ avait deux ingénieurs qui travaillaient sur la question des «extras». Au cours des prochains mois, l'embauche de nouveaux employés devrait porter ce nombre à 15, a-t-on expliqué.

Pour Alain Therrien du Parti québécois, il faudrait engager un nombre encore plus élevé d'ingénieurs pour consolider l'expertise au ministère des Transports. 

«On demande à [Laurent Lessard] de faire un ''hold'' [sur l'appel d'offres] et d'engager rapidement des ingénieurs. (...) C'est une urgence nationale», dit-il. 

Confier le mandat de vérifier les demandes d'«extras» à une firme privée, ajoute-t-il, pourrait augmenter même le nombre d'«extras», en raison «de la proximité potentielle entre les personnes qui jugent les réclamations et les personnes impliquées dans le dossier.»

«Comment peut-on s'assurer que les ingénieurs engagés au privé ne se retrouveront pas quelques semaines ou mois plus tard à aller travailler pour les entrepreneurs qu'ils ont évalués? (...) C'est un petit milieu, les gens se connaissent, alors [cette façon de faire] pour amener une certaine forme de collusion entre les entreprises, ce qu'on voulait éviter au départ», estime M. Therrien.

Du côté de la Coalition Avenir Québec (CAQ), on rejette également l'explication du ministère, qui rappelle avoir toujours le mot final sur l'évaluation des réclamations des entrepreneurs, et ce, malgré le travail en partie effectué par une firme externe. 

«Tu ne peux pas avoir le mot final sur quelque chose que tu n'as pas [évalué toi-même]. (...) C'est de la bouillie pour les chats qu'ils auront le mot final... C'est le pendule qu'on nous met dans le visage pour nous hypnotiser et nous faire croire que tout va bien alors que ce ministère est une honte nationale», martèle le leader parlementaire caquiste, Éric Caire.