S'il remporte les prochaines élections québécoises, Québec solidaire s'attaquera à la concentration des pouvoirs aux mains du premier ministre... mais on ne sait toujours pas qui de Gabriel Nadeau-Dubois ou de Manon Massé s'acquitterait de ce rôle.

En point de presse à Montréal vendredi matin, les deux porte-parole ont expliqué que le parti «se prépare à gouverner» et que le moment est venu d'expliquer aux Québécois comment ils comptent exercer le pouvoir.

«Le système politique actuel au Québec n'est pas assez démocratique, juge Gabriel Nadeau-Dubois. (...) Aujourd'hui, une personne qui récolte à peu près le tiers des votes aux élections a un pouvoir quasi-absolu à l'Assemblée nationale.»

«Le premier ministre (...) fait à peu près ce qu'il veut. Il nomme plus de 2500 personnes au sein de la haute fonction publique, convoque et dissout l'Assemblée nationale, nomme les directions des sociétés d'État, déclenche à sa guise les élections et a la mainmise sur le conseil des ministres», dénonce-t-il.

«Québec solidaire refuse de gouverner comme ça.»

Lors de son prochain congrès en décembre, le parti de gauche présentera à ses membres une proposition visant à retirer certains pouvoirs au premier ministre pour les redistribuer au vice-premier ministre, au conseil des ministres et aux députés.

Un modèle essentiellement calqué sur un régime républicain, mais qui peut être réalisé sans changements constitutionnels.

«Ce n'est que pratiques et traditions, explique Manon Massé en entrevue. C'est l'establishment politique qui a décidé que tout le pouvoir se concentrerait entre les mains du premier ministre. On n'a rien à changer à la Constitution ou même à la Loi sur l'Assemblée nationale.»

De manière plus précise, Québec solidaire souhaite limiter les pouvoirs du premier ministre à la sphère exécutive, rendant son titulaire essentiellement responsable des décisions gouvernementales.

Le pouvoir législatif serait dévolu au vice-premier ministre qui deviendrait le chef parlementaire, une mesure qui permettrait de revaloriser ce poste «actuellement beaucoup plus honorifique qu'autre chose», mentionne Mme Massé.

Le conseil des ministres serait investi d'une fonction décisionnelle et ne ferait plus «que conseiller le premier ministre», selon les termes employés par Mme Massé. Des décisions seraient prises en collégialité avec le premier ministre et le vice-premier ministre. Dans le cas d'une impasse, le débat serait tranché par un vote pris à la majorité.

Enfin, Québec solidaire veut revaloriser le rôle des parlementaires en coupant court à la partisanerie. «Les parlementaires de l'opposition pourront faire progresser, sous un gouvernement solidaire, leurs propres projets de loi, explique Mme Massé. Une bonne idée demeure une bonne idée peu importe d'où elle vient.»

Québec solidaire précise qu'il s'agit là d'une proposition «de transition», puisqu'une fois au pouvoir le parti a déjà annoncé qu'il mettrait en place une Assemblée constituante chargée de tracer les contours d'une république indépendante du Québec. «Mais entre-temps, Québec solidaire a l'ambition de gouverner différemment», souligne la porte-parole.

Qui sera premier ministre?

Bien que Gabriel Nadeau-Dubois clame que Québec solidaire doit être pris au sérieux dans sa volonté de prendre le pouvoir, le parti n'a toujours pas déterminé lequel des porte-parole briguera le poste de premier ministre.

«Il faut faire les choses dans l'ordre», fait valoir Mme Massé. En décembre, les membres se positionneront sur la vision de gouvernance du parti et définiront les rôles du premier ministre et du vice-premier ministre.

Par la suite, au printemps, les membres trancheront sur le sort des porte-parole. Les deux principaux intéressés pourraient toutefois régler la question entre eux. «Gabriel et moi on pourra regarder en fonction de qui on est, de nos talents, de nos forces pour voir qui est le mieux placé pour assumer ces deux rôles», mentionne Mme Massé.

Une chose est sûre, ce modus operandi ne mènera pas à une course au leadership en bonne et due forme. «Une course telle qu'on la voit dans les autres partis, dans la façon de faire de la politique traditionnelle, avec les débats, le pitchage de bouette, vendre des cartes de membre, dire comment l'autre est pas bon, ça, vous allez pas voir ça à Québec solidaire», jure Mme Massé.

«Mais soyez assurés que dès le début du printemps, les Québécois et les Québécoises vont savoir qui va aller au débat des chefs!»