Le candidat libéral dans Louis-Hébert, Éric Tétrault, change de discours et reconnaît avoir eu un «comportement inacceptable» envers des employées au moment où il était directeur des affaires publiques chez ArcelorMittal. Il dit avoir l'appui du premier ministre Philippe Couillard pour poursuivre sa campagne.

La Presse a révélé mercredi que M. Tétrault a harcelé psychologiquement deux femmes en plus d'intimider et de menacer des employés, selon un rapport d'enquête commandé par ArcelorMittal en 2014. Notons que le candidat n'a pas démenti le contenu du reportage mercredi matin.

En entrevue à La Presse mardi, il reconnaissait la tenue d'une enquête à son sujet, mais niait formellement avoir exercé du harcèlement psychologique.

En avez-vous exercé? lui demandait-on. «Bien non. Je n'ai jamais rien eu de fondé à mon égard», disait-il à La Presse. Le candidat ajoutait: «Je n'ai jamais eu accès à ce rapport-là. C'est un rapport qui ne m'a jamais été présenté par la direction de l'entreprise. (...) La seule chose que la direction m'a dite à l'époque, et pour moi ça a été la fin de l'histoire, c'est qu'aucune plainte n'a été retenue contre moi et qu'il y avait donc à leurs yeux rien de fondé dans les plaintes, dans ce qui a été avancé. On n'a pas voulu me faire lire le rapport pour rien, on m'a dit: aucune plainte n'a été retenue.»

Il confirmait avoir rencontré l'enquêteur. Ce dernier lui avait-il fait part de constats qu'il avait tirés à partir des autres témoignages? «Je ne me souviens plus, honnêtement. Ça fait tellement longtemps. La rencontre avait été assez brève», répondait M. Tétrault.

En entrevue téléphonique à la station de Québec de Radio-Canada mercredi, le candidat a changé de discours. Il a convenu que son comportement fut «inacceptable».

«Je l'ai reconnu (à l'époque), et aujourd'hui je suis quelqu'un qui le regrette. Je sais très bien que ce n'est pas une bonne attitude. Je vois très bien que je ne suis pas blanc comme neige là-dedans. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de plainte au dossier qu'on est blanc comme neige. Il faut savoir reconnaître ses torts dans la vie. Je l'ai reconnu à l'époque, comme je le reconnais ce matin (mercredi).»

Selon le rapport d'enquête, M. Tétrault a du mal à reconnaître ses torts et accuse les autres de mal interpréter ses propos ou ses actes.

«Je reconnais que je n'ai pas toujours été le plus diplomate dans les relations de travail, a-t-il soutenu mercredi. Je l'avais dit à la direction à l'époque. J'ai pu être un peu abrasif, ça, c'est certain. Vous savez quand on évolue dans un climat très difficile comme celui de l'époque, on subissait, nous les gens, énormément de pression. La faute professionnelle la plus commune, je vous dirais, est de transférer cette pression-là aux employés. J'ai certainement été trop abrasif, et un peu carré avec les gens. Je l'ai réalisé. Ça, c'est certain. Mais en bout de piste, on m'a expliqué qu'il n'y a avait pas de plainte de déposée, mais on m'invitait à être un peu plus diplomate avec les employés.» Encore là, il s'agit d'un élément qu'il n'avait pas mentionné dans son entrevue à La Presse.

Le rapport d'enquête a été déposé à la mi-mai 2014. M. Tétrault a quitté l'entreprise le mois suivant. Trois sources ont décrit la situation comme un congédiement déguisé. M. Tétrault disait mardi qu'il était parti de son propre chef parce qu'on lui avait fait une offre ailleurs.

Il entend rester candidat «jusqu'au bout». «J'en ai discuté avec (le premier ministre mardi). Et on en est arrivés lui et moi à la même conclusion: il faut savoir reconnaître ses torts dans la vie. Je pense que comme homme politique, il l'a toujours fait, moi aussi. Je ne vois pas de raison de ne pas continuer», a-t-il affirmé mercredi.

M. Couillard lui a-t-il signifié qu'il continuait à l'appuyer? «Bien sûr», a-t-il répondu.

Les révélations sur le comportement passé de M. Tétrault ont été accueillies avec prudence par les ministres libéraux. 

Lise Thériault, Rita De Santis, Kathleen Weil, Stéphanie Vallée et Martin Coiteux se sont refusés à tout commentaire, s'en remettant aux déclarations de M. Tétrault.

De son côté, Lucie Charlebois s'est dit «très à l'aise» avec sa candidature. «On a un bon candidat», a-t-elle dit. M. Tétrault «a répondu aux questions alors je n'ai pas l'intention de commenter davantage».

Au terme de la réunion du cabinet, Pierre Moreau, proche d'Éric Tétrault - les deux hommes ont travaillé dans l'orbite de l'ancien ministre Jacques Dupuis - s'est montré satisfait des explications du candidat libéral.

«Ce que je comprends, c'est qu'il a formulé des regrets et il a présenté des excuses qui m'apparaissent tout à fait sincères», a-t-il déclaré à sa sortie du conseil des ministres.

M. Moreau a dit ne pas vouloir minimiser l'attitude «incorrecte» qu'a eue M. Tétrault à l'égard des ses collègues d'ArcelorMittal. Mais il affirme que son cas est différent de celui de Gerry Sklavounos, qui a été expulsé du caucus libéral en raison de son comportement allégué à l'égard de femmes.  

«Ici, il n'y a pas de témoignage qui vient accréditer les allégations qui sont faites, a dit M. Moreau. L'entreprise choisit d'entreprendre une démarche et de ne pas donner suite à cette démarche. Il faut quand même remettre les choses dans leur contexte.»

Questionné à savoir si M. Tétrault sera le candidat libéral dans Louis-Hébert aux élections partielles du 2 octobre, le ministre a répondu: «À date, c'est lui le candidat et il indique son intention de poursuivre. Alors je prends ça en considération, je ne fais pas de futurologie.» 

- Avec la collaboration de Denis Lessard et de Martin Croteau