Le gouvernement Couillard a finalement décidé d'assujettir les municipalités de même que les élus municipaux, scolaires et de l'Assemblée nationale à son projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État.

C'est ce que prévoient des amendements déposés mardi par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. Déposé en juin 2015, mis de côté depuis les consultations de l'année dernière, le projet de loi 62 fait un retour en commission parlementaire pour être étudié article par article.

L'un des articles les plus importants de cette pièce législative stipule que les services publics doivent être donnés et reçus « à visage découvert ». Une personne pourrait toujours faire une demande d'accommodement pour un motif religieux, et celle-ci serait analysée selon différents critères.  Il faudrait que l'accommodement respecte l'égalité entre les hommes et les femmes, le principe de la neutralité religieuse de l'État et n'impose pas de « contrainte excessive » - concept reconnu dans la jurisprudence. «Il n'y a pas de lest qui est lâché » de la part du gouvernement, a dit Stéphanie Vallée en conférence de presse. « Ce serait inconstitutionnel » d'empêcher une personne de faire une demande d'accommodement relativement à cette disposition.

La ministre n'a pas voulu préciser l'effet concret qu'aurait son projet de loi. Puisque les sociétés de transport sont maintenant assujetties au projet de loi et qu'elles donnent des services publics, faudrait-il avoir le visage découvert, donc ne pas porter le niqab par exemple, pour monter à bord d'un autobus ? lui a-t-on demandé.

« Je ne suis pas ici aujourd'hui pour analyser chaque cas d'espèce, parce qu'on pourrait être ici jusqu'à 17 heures, a-t-elle répondu. L'objectif est que les services soient reçus et donnés à visage découvert (...). Quelqu'un qui souhaite aménager un accommodement à ce principe-là devra en faire la demande et la demande sera analysée. » Elle a rappelé que la disposition sur le visage découvert a pour but de « s'assurer de la qualité des communications entre les personnes, de permettre la vérification de l'identité de celles-ci ou pour des fins de sécurité », comme l'indique le projet de loi amendé.

Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec continuent de réclamer l'interdiction du port de signes religieux chez les agents de l'État qui ont un pouvoir de coercition (juges, policiers, procureurs de la Couronne, gardiens de prison). C'était une recommandation du rapport Bouchard-Taylor. La CAQ demande d'ajouter les enseignants à cette liste. L'opposition souhaite également que le projet de loi affirme la « laïcité » de l'État, plutôt que la neutralité religieuse.

« Si des formations politiques souhaitent aller plus loin, ça leur appartient, mais je pense que le Québec est mûr pour à tout le moins avoir un texte, une loi qui est conforme à ce sur quoi on est capables de s'entendre dans cette Assemblée. Donc, évidemment, j'en appelle à la collaboration des collègues », a affirmé Stéphanie Vallée.

Le premier ministre Philippe Couillard s'est déjà dit déterminé à adopter ce projet de loi d'ici à la fin du mandat.