Le gouvernement du Québec a dévoilé jeudi sa stratégie «féministe» qui comprendra notamment un «indice québécois» de l'égalité hommes-femmes.

La «stratégie gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes - vers 2021» a été présentée à Montréal par la vice-première ministre et ministre responsable de la Condition féminine, Lise Thériault, la ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, et la ministre responsable des Institutions démocratiques, Rita de Santis.

Mme Thériault a aussi promis le dépôt d'une loi-cadre qui permettrait de camper l'égalité hommes-femmes dans les priorités gouvernementales.

L'indice d'égalité permettra, selon le document détaillant l'approche, de suivre les tendances en la matière et de soutenir la prise de décision au sein du gouvernement du Québec. Il se basera sur des indicateurs clés comme le revenu et le nombre d'élues.

«Cette stratégie révèle l'importance que notre gouvernement accorde à l'atteinte d'une égalité de fait», a déclaré Mme Thériault d'entrée de jeu, jeudi matin.

Selon elle, le plan de Québec est une «stratégie féministe».

«Oui, je te dirais, effectivement, qu'il s'agit d'une stratégie qui est féministe», a-t-elle répondu à une journaliste, dans une salle du Monument-National remplie de plusieurs dizaines de femmes et d'une poignée d'hommes.

Mme Thériault s'était mise dans l'embarras l'an dernier, après avoir dit qu'elle refusait l'étiquette de «féministe». Ces propos avaient fait réagir, puisqu'ils sortaient de la bouche de la ministre de la Condition féminine.

Pour atteindre ses objectifs, Québec compte sur la participation et la mobilisation des hommes à titre d'alliés dans l'atteinte de l'égalité.

Une somme de 80 millions $ sur cinq ans a été mise de côté pour concrétiser cette stratégie. De ce montant, environ 32 millions $ avaient été annoncés dans le dernier budget.

Aucun échéancier n'a été annoncé, mais Mme Thériault affirme que l'indice et la loi-cadre sont des priorités, donc qu'ils devraient devenir réalité en 2017 pour l'indice, et au plus tard en 2018 pour la loi.

Se faisant demander pourquoi son gouvernement ne montrait pas l'exemple en ayant un conseil des ministres comptant autant de femmes que d'hommes, Mme Thériault a soutenu qu'il était dans la «zone paritaire», avec 40 pour cent de ministres de sexe féminin. Il compte 11 ministres femmes sur un total de 26.

Pour ce qui est du secteur privé, la ministre de la Condition féminine n'est pas en faveur d'imposer des quotas de femmes au sein des conseils d'administration, disant privilégier une approche de sensibilisation et la mise sur pied d'une banque de candidates pour remplir de telles fonctions.

«Moi j'ai beaucoup de difficultés avec les quotas. Moi je pense qu'il n'y a pas une femme qui mérite de se faire dire qu'elle est là parce qu'elle est un quota. Des femmes compétentes, il y en a partout», a-t-elle martelé.

«L'une des inégalités persistantes et préoccupantes de notre société est la sous-représentation des femmes en politique et dans d'autres lieux décisionnels. Avec cette nouvelle stratégie, je suis convaincue qu'une plus grande présence de femmes au sein de nos instances permettra une meilleure prise en considération des réalités et des besoins diversifiés de la population», estime pour sa part Mme de Santis.

En vue des prochaines élections municipales de novembre 2017, Québec a mis en place des activités pour avoir un maximum de femmes candidates, a précisé la vice-première ministre Thériault. Une campagne médiatique appelée «Opération élection municipale au féminin» sera lancée et des formations seront offertes aux candidates potentielles.

Québec entend aussi prôner une éducation plus égalitaire des enfants, sans stéréotypes sexuels. Une place plus formelle sera accordée à l'éducation à la sexualité, et cela, du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire. Les responsables de l'orientation scolaire seront aussi sensibilisés aux stéréotypes de choix de carrière et seront incités à offrir des métiers et des professions non traditionnels tant aux garçons qu'aux filles.

Selon le gouvernement, la stratégie met de l'avant 59 actions «nouvelles ou bonifiées». Elle est le résultat de consultations menées depuis septembre 2015.

Des réactions

La coporte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a assisté à l'annonce jeudi.

«Enfin, on l'a!», s'est-elle exclamée au sujet de la très attendue stratégie.

«Mais je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus audacieux», fait-elle remarquer, soulignant qu'il n'y a pas d'approche globale. «Du saucissonnage», a déploré la députée.

Si le gouvernement juge bon de répéter à toutes les sauces que l'égalité est importante, il faut aussi qu'il fournisse des moyens pour y arriver, souligne Mme Massé, qui rappelle que les mesures d'austérité budgétaire des libéraux ont plus particulièrement affecté les femmes.

Pour le Conseil du statut de la femme, le fait que le gouvernement se dote ainsi d'un plan de travail est une bonne nouvelle car il s'agit, selon lui, d'un engagement concret pour atteindre l'égalité.

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) accueille de son côté favorablement la stratégie et relève notamment la volonté du gouvernement d'outiller les parents et le personnel de l'éducation afin de combattre les stéréotypes et le sexisme.

La CSN se dit elle aussi satisfaite du contenu du plan québécois, mais avertit aussitôt qu'«on jugera l'arbre à ses fruits», a souligné la vice-présidente de la CSN, Véronique De Sève, dans un communiqué.

Car la centrale syndicale se garde bien de crier victoire. Elle ne perd pas de vue «qu'il y a à peine trois ans, ce même gouvernement faisait subir aux femmes du Québec les pires reculs avec ses politiques d'austérité», est-il écrit.

Quant à la FTQ, elle trouve que la stratégie gouvernementale «est à saveur électorale» et demeure sceptique sur les moyens de sa mise en oeuvre pour arriver à une véritable égalité. Beaucoup de mesures ne sont pas nouvelles, pas plus que l'argent qui y est consacré, souligne le syndicat.