Le ministère de l'Environnement a accordé sans appel d'offres un contrat de 100 000 $ à un ancien camarade de classe du ministre David Heurtel dans le cadre de la révision du Fonds vert.

Le contrat d'une durée d'environ 15 semaines a été attribué de gré à gré à Martin Laurendeau, consultant établi à Saint-Joseph-du-Lac, dans les Laurentides. Avocat de formation, il a été payé 180 $ l'heure pour ses services.

Le consultant est une connaissance de longue date du ministre de l'Environnement, David Heurtel. Les deux hommes sont issus de la même promotion à la faculté de droit de l'Université de Montréal, en 1993.

M. Laurendeau a aussi été nommé au conseil d'administration de la Régie des installations olympiques (RIO) en 2012. À cette époque, M. Heurtel était président de l'organisme public.

Son contrat prévoit qu'il devait assister les fonctionnaires du ministère de l'Environnement dans l'élaboration de la réforme de la gouvernance du Fonds vert. Il a donc répertorié les initiatives financées par le Fonds, mesuré leur performance et proposé des moyens de renforcer les mécanismes de contrôle interne.

Réforme rapide

Au bureau de M. Heurtel, on rappelle que la réforme du Fonds vert a été lancée à toute vapeur, l'an dernier. On venait alors d'apprendre qu'une douzaine de ministères pigeaient dans le Fonds pour financer des initiatives qui n'avaient à peu près pas d'impact sur les émissions de gaz à effet de serre de la province.

Québec a d'abord embauché l'experte financière Sylvie Chagnon pour piloter cette réorganisation complexe. Le ministre a aussi présenté des changements législatifs pour revamper l'administration du Fonds.

« Compte tenu de l'importance et de l'ampleur des travaux à finaliser dans un court laps de temps pour la mise en place du Conseil de gestion, et afin de soutenir le travail de Mme Chagnon, l'embauche d'une ressource externe permettait que celle-ci puisse être dédiée exclusivement au mandat qui lui a été confié », a expliqué l'attachée de presse de M. Heurtel, Émilie Simard.

Elle soutient que c'est en raison de ses qualifications que M. Laurendeau a obtenu le mandat.

« M. Laurendeau possède une grande expérience dans le domaine des finances, ayant oeuvré 14 ans chez Desjardins, notamment, comme adjoint au premier vice-président, Marchés des entreprises et directeur marketing PME. »

Joint par La Presse, M. Laurendeau a confirmé qu'il « connaît bien » M. Heurtel, ajoutant qu'il ne se considère pas comme un ami proche du ministre.

« C'est quelqu'un que je connais de longue date, mais c'est assez limité, a-t-il dit. Au-delà du fait qu'on s'est croisés à la RIO et à l'école, sur les bancs d'école, à part cela, on se voit sur une base... je ne dirais pas régulière. »

A-t-il des raisons de croire que le ministre est intervenu pour qu'il obtienne le mandat ?

« C'est à lui de répondre à cela », a répondu M. Laurendeau.

« Proximité malaisante »

Pour l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), le contrat « nébuleux » attribué à M. Laurendeau sent le favoritisme.

« Il y a une proximité malaisante, a dénoncé le secrétaire-trésorier du syndicat, Andy Guyaz. Et en plus, quand on additionne le fait que c'est un contrat de gré à gré, ça me rend extrêmement inconfortable. »

Le syndicat, dont les 1400 membres sont en grève depuis une dizaine de jours, a recensé quatre contrats attribués sans appel d'offres en lien avec la réforme du Fonds vert. M. Guyaz estime que le gouvernement Couillard devrait plutôt confier cette tâche administrative à des employés de l'État.

« Ça semble être une mode de M. Heurtel de donner des contrats de gré à gré », a ironisé M. Guyaz.

Le justificatif du ministère

« L'appel d'offres public, dans les circonstances, ne serait pas une avenue judicieuse et ne servirait pas l'intérêt public, et ce, compte tenu de l'ampleur de la situation soulevée quant à la reddition de comptes et la transparence des sommes dépensées dans le Fonds vert. Les besoins sont immédiats et le mandat est ponctuel », peut-on lire dans le Système électronique d'appel d'offres du gouvernement concernant la description du contrat à Martin Laurendeau consultant.

Le Conseil du Trésor prévoit que tous les contrats pour services professionnels et techniques dépassant 100 000 $ doivent être attribués au terme d'un appel d'offre public.

La loi prévoit toutefois des exceptions, par exemple s'il s'agit d'une situation d'urgence, si un seul contractant peut exécuter le mandat, ou si l'organisme public juge que l'appel d'offres « ne servirait pas l'intérêt public ».

C'est cette disposition qui a été invoquée dans le cas de M. Laurendeau, puisque le ministère de l'Environnement jugeait que « les besoins sont immédiats et le mandat est ponctuel ».