Pour la deuxième fois depuis que ses entreprises sont dans la ligne de mire de l'UPAC, l'ex-grand argentier du Parti libéral Marc Bibeau a tenté hier de faire casser des perquisitions qui ont eu lieu il y a un an à son siège social en évoquant le besoin de protéger le secret professionnel d'avocats et de notaires qui y occupent des bureaux.

Au début du mois, le grand patron de l'UPAC, Robert Lafrenière, avait affirmé à l'Assemblée nationale que les avocats de M. Bibeau avaient déjà ralenti l'enquête anticorruption Mâchurer pendant près de trois ans en évoquant ce risque de violation du privilège client-avocat de juristes qui travaillent dans l'édifice du boulevard Arthur-Sauvé, à Saint-Eustache.

Le Parti libéral a aussi évoqué le secret professionnel de ses avocats pour empêcher l'UPAC d'avoir accès à 65 documents confidentiels que ses enquêteurs avaient saisis à la permanence montréalaise du parti en 2014.

Après avoir échoué à porter leur contestation devant la Cour suprême, les avocats de M. Bibeau n'ont eu d'autre choix que de laisser la Sûreté du Québec enquêter sur les documents saisis en 2013.

Mais ils sont revenus à la charge hier, devant la Cour supérieure, contestant cette fois une autre série de perquisitions qui avait été menée par l'UPAC et Revenu Québec en août 2016 au siège social de deux entreprises de M. Bibeau, Schockbéton et Saramac. Forts d'un mandat, les limiers y avaient alors débarqués pour y mener à bien le « volet fiscal » de l'enquête. Cette fois, voulant éviter toute contestation devant les tribunaux, les enquêteurs s'étaient assurés la veille de la saisie que des représentants du syndic du Barreau et de la Chambre des notaires seraient présents lors de la frappe, pour superviser la perquisition et veiller à ce que la confidentialité des dossiers des avocats qui y travaillaient ne soit pas violée.

« Aussitôt qu'une situation problématique peut se présenter, on ne prend pas de chance. On devait s'assurer que le syndic ait sur place tous les effectifs nécessaires pour faire son travail [de surveillance]. » - Mario Léonard, enquêteur de l'Agence du revenu qui est venu témoigner

L'avocat des entreprises de M. Bibeau, Me Léon Moubayed, spécialiste du droit pénal des affaires, a soutenu hier que la juge de paix qui a lancé ces mandats de perquisition chez Schokbéton et Saramac a été induite en erreur par l'Agence du revenu du Québec. « [Les enquêteurs] savaient qu'il y avait des avocats et un notaire qui avaient des bureaux dans l'immeuble, mais [ils ont] omis de le dire à la juge », a-t-il plaidé.

« On a créé une fausse impression chez la juge [de paix] en cachant la présence d'avocats dans l'immeuble. Si elle l'avait su, la juge aurait mis des conditions », a soutenu Me Moubayed.

PARTIE DE LA PREUVE

Une partie de la preuve est frappée du sceau de la confidentialité. La Presse a entamé des démarches pour faire lever le secret autour de ces informations. La requête du quotidien sera entendue en août prochain.

Les avocats de Revenu Québec feront pour leur part entendre leur position à la mi-juin. Les documents fiscaux et les données de serveurs informatiques saisis au siège social de Shockbéton et Saramac demeurent inaccessibles tant que la juge Claude Dallaire n'aura pas tranché sur le fond.

La Presse révélait en février dernier qu'une requête déposée par les entreprises de M. Bibeau évoque la possibilité que l'UPAC ait aussi mené une perquisition secrète dans le siège social, en marge de la saisie du 17 août.