Des dizaines de milliers de personnes omettent de remplir leur déclaration de revenus sans jamais être embêtées par le fisc, déplore la vérificatrice générale Guylaine Leclerc dans un rapport déposé mercredi. Un document qui critique aussi la gestion de la forêt publique et la manière dont les victimes de fraude financière sont indemnisées par l'Autorité des marchés financiers.

Le fisc n'a rien fait pour talonner 238 000 particuliers qui n'ont pas produit de déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2015, révèle le rapport. Pourquoi? Parce que «les dossiers ont été jugés non rentables» par Revenu Québec.

En clair, cela veut dire que bon nombre de ces contribuables auraient eu droit à un remboursement d'impôt, indique Mme Leclerc. Par ailleurs, en date du 31 mars 2016, 74 000 entreprises n'avaient pas produit de déclaration de revenus depuis plus de deux ans, et Revenu Québec n'avait à peu près rien fait pour les forcer à s'exécuter.

Pas de suivi

On ignore si ces lacunes dénoncées par la vérificatrice entraînent des pertes fiscales pour l'État ou si, au contraire, elles lui permettent d'engranger des revenus supplémentaires en ne remboursant pas des trop-perçus d'impôt.

Chose certaine, le prédécesseur de Mme Leclerc, Michel Samson, les avait déjà soulevées dans un rapport rendu en juin 2013. Quatre ans plus tard, seulement deux de ses huit recommandations ont été mises en oeuvre par Revenu Québec.

Du changement bientôt

Revenu Québec communiquera prochainement avec les retardataires qui n'ont pas produit de déclaration. «Revenu Québec travaille déjà à élaborer un plan d'action, qu'il terminera d'ici la fin juin, a fait savoir l'agence hier. L'ensemble des mesures sera réalisé en priorité d'ici l'automne prochain.»

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, a fait valoir que les contribuables ont tout intérêt à déclarer leurs revenus. «Il y a des personnes qui ne réalisent pas que si elles ne produisent pas une déclaration de revenus, elles n'auront pas accès à une série de programmes d'aide», a-t-il dit.

Aide déficiente pour les victimes de fraude

Guylaine Leclerc révèle dans un autre chapitre qu'il est pratiquement impossible pour les victimes de fraude financière d'obtenir un dédommagement de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Seulement une personne a profité du Fonds d'indemnisation des services financiers en 2015-2016, alors que 33 demandes ont été rejetées.

L'indemnisation de 50 000 $ équivaut à une fraction des coûts administratifs du programme, qui varient entre 1,2 et 2 millions par année. Bon nombre de refus ont été justifiés par le fait que les représentants financiers des victimes n'avaient pas l'autorisation de vendre les produits avec lesquels ils les avaient fraudées.

Pas de concurrence en sylviculture

Depuis 10 ans, Québec a consacré plus de 2 milliards à des travaux dans la forêt publique, et une part importante des contrats ont été attribués sans appel d'offres, révèle le rapport de la vérificatrice générale.

Environ 80% des contrats sylvicoles ont été accordés de gré à gré, une situation que Québec est incapable de justifier, selon le commissaire au développement durable, Paul Lanoie. «S'il y avait davantage d'appels d'offres publics, il y aurait davantage de concurrence et quand il y a davantage de concurrence, normalement, donc, les prix sont plus faibles», a-t-il relevé.

Retards dans la décontamination

Le ministère de l'Environnement fait un suivi déficient des activités de décontamination des terrains, constate aussi M. Lanoie. Au cours de son enquête, il a observé des retards à tous les niveaux du processus administratif, de la réalisation d'études aux signalements au registre foncier.

Québec a également fait preuve de laxisme à l'égard des contrevenants, a relevé le commissaire, mercredi. «Pour une quarantaine de retards relevés, le Ministère a transmis seulement trois avis de non-conformité et n'a imposé aucune sanction administrative pécuniaire, ce qui crée un risque que les dispositions de la loi soient considérées comme peu importantes», a-t-il noté.

Le MTQ dans la ligne de mire

La vérificatrice générale enquête depuis un an sur des allégations d'irrégularités au ministère des Transports (MTQ). Elle a présenté en mars un premier rapport qui révélait d'importantes lacunes administratives dans ce ministère.

Le deuxième volet de l'enquête, portant sur les contrats du MTQ, sera déposé d'ici la fin de la session parlementaire, a dit Mme Leclerc. Elle a expliqué ce délai par la complexité de sa vérification. «On a une excellente collaboration, mais naturellement, c'est toujours un défi que de terminer un rapport dans les délais», a-t-elle indiqué.