Alors que la crue des eaux menaçait l'autoroute 50 dès samedi matin, le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports du Québec (MTMDET) s'est embourbé dans une succession d'erreurs qui l'a finalement contraint à fermer cet axe routier important qui relève de sa compétence et qui est jugé essentiel par la Ville de Gatineau.

Le Ministère se retrouve donc à nouveau sur la sellette, deux mois à peine après le cafouillage majeur survenu sur l'autoroute 13 Sud durant la tempête hivernale du 14 mars qui avait laissé quelque 300 automobilistes coincés dans leurs voitures pendant 12 heures dans la neige.

Selon des informations obtenues par La Presse, hier, le MTMDET semblait à court de solutions pendant des heures après que la situation est devenue hors de contrôle dimanche matin, alors que des soldats des Forces armées canadiennes avaient exprimé la veille des inquiétudes quant à la montée des eaux sur cette autoroute qu'empruntent chaque jour quelque 50 000 véhicules en temps normal.

Les ingénieurs des Forces armées

En fin de journée samedi, des ingénieurs des Forces armées qui venaient d'arriver à Gatineau afin de prêter main-forte aux autorités municipales ont discuté avec le MTMDET des mesures qui pourraient être prises pour éviter le pire, a indiqué à La Presse une source digne de foi qui n'a pas voulu être identifiée.

Au même moment, des travailleurs du MTMDET ont commencé à ériger une digue de 30 centimètres seulement (12 pouces) sur l'autoroute 50, à la sortie du pont des Draveurs en direction ouest, alors que le niveau de l'eau du lac Leamy grimpait d'heure en heure et couvrait déjà une partie de l'autoroute.

«Il y avait tout au plus quatre employés du ministère des Transports qui étaient sur les lieux pour construire cette digue. Ils mettaient du sable dans un long sac blanc. Ça semblait plus être une petite digue de fortune qu'une digue capable de résister à la montée de l'eau», a indiqué une source qui a été témoin des efforts de ces employés.

Cette digue n'a pas tenu le coup très longtemps. Dimanche matin, le MTMDET a été contraint de fermer ce tronçon de l'autoroute 50 parce qu'il était complètement inondé.

Selon nos informations, le MTMDET s'est alors tourné vers les ingénieurs de la Ville de Gatineau et des Forces armées canadiennes pour solliciter des pistes de solution. «Nos ingénieurs ont collaboré avec eux pour pouvoir leur donner des pistes de solution», a indiqué une source à la Ville de Gatineau.

Tandis que le MTMDET évaluait ses options pour rouvrir l'autoroute 50, dimanche, la Ville de Gatineau décidait d'effectuer des travaux d'enrochement des deux côtés du boulevard Fournier, qui mène au pont Lady-Aberdeen, un lien routier plus modeste à deux voies dans chaque direction qui permet aux résidants de Gatineau de se rendre dans le secteur Hull et à Ottawa. Cette mesure a permis d'éviter que ce boulevard, qui relève de la responsabilité de la Ville, soit aussi inondé.

Rehaussement de la chaussée

Le MTMDET a finalement décidé d'effectuer des travaux de rehaussement de la chaussée sur l'autoroute 50 dans la nuit de dimanche à lundi, mais l'opération s'est soldée par un échec, car le remblai s'est rapidement gorgé d'eau. Résultat : la 50 est demeurée fermée toute la journée hier en direction ouest, vers le centre-ville, entre le boulevard de La Gappe et la rue Montcalm, et elle le demeurera jusqu'à nouvel ordre.

La fermeture de ce lien routier a obligé le gouvernement fédéral à demander aux milliers d'employés qui travaillent au Québec ou à Ottawa et qui doivent emprunter les ponts interprovinciaux de rester à la maison, hier. Cette directive a été reconduite pour une autre journée étant donné que l'autoroute 50 demeure fermée. Le gouvernement du Québec a aussi fermé ses bureaux à Gatineau et les établissements scolaires ont décidé d'annuler de nouveau les classes aujourd'hui.

Un porte-parole du MTMDET, Guillaume Paradis, a indiqué que les employés du Ministère s'affairaient maintenant à ériger une digue de 75 centimètres. Une fois que la digue sera terminée, une pompe sera utilisée pour assécher le remblai temporaire.

En entrevue à La Presse, hier, M. Paradis a soutenu que le MTMDET avait pris les précautions nécessaires pour éviter que l'autoroute soit inondée samedi.

«On voyait l'évolution de la situation samedi. À ce moment-là, on a décidé de construire une digue de 30 centimètres de hauteur pour éviter que la situation ne se complique. Cela n'a pas fonctionné et il a fallu fermer l'autoroute à 4 h dimanche matin. Nous avons mis du matériel pour survoler le trou d'eau en quelque sorte. Mais avec l'infiltration d'eau qu'on avait par-dessus la digue, notre ouvrage n'aurait pas résisté au passage des véhicules à la longue. En asséchant tout cela, on espère retrouver une certaine solidité du remblai temporaire et permettre la circulation», a expliqué M. Paradis.

Une digue de 75 centimètres

M. Paradis a indiqué que la digue de 75 centimètres sera érigée avec des sacs de sable qu'on utilise aussi pour protéger les maisons. Quant au succès obtenu par la Ville de Gatineau pour protéger le boulevard Fournier, le porte-parole a déclaré : «Il n'y a pas deux situations pareilles. Tant mieux si le boulevard Fournier a pu être protégé. Nous avons fait des gestes. Est-ce qu'on aurait pu en faire plus ? Probablement, on peut toujours en faire plus. On va en tirer des enseignements, ça, c'est certain.»

De passage dans l'Outaouais, hier, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, n'a pas voulu commenter la gestion de l'autoroute 50 par le MTMDET.

«Je ne vois que des gens qui font tout ce qu'ils peuvent, qui ont fait tout ce qu'ils pouvaient, pour minimiser les conséquences de ce qui se produit et aider les gens. Je vois juste du monde qui est là pour aider actuellement», a-t-il dit.

- Avec Hugo de Grandpré, La Presse