La ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, semblait plus optimiste vendredi matin alors qu'elle s'apprêtait à prendre part à une rencontre sur la question des délais judiciaires avec ses homologues fédéral et provinciaux.

Elle a dit avoir obtenu un échéancier « très raisonnable » de la ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, pour la nomination de nouveaux juges.

« J'ai l'engagement de ma collègue de procéder à certaines nominations dans un délai rapproché, donc je n'ai aucune raison de douter de sa parole », a affirmé Stéphanie Vallée.

Six postes de juges à la Cour supérieure sont vacants, mais le Québec estime avoir besoin de 14 nouveaux juges.

« Nous allons poursuivre la nomination de juges en Cour supérieure. Je ferai des annonces dans un avenir très rapproché », a confirmé la ministre Wilson-Raybould sans préciser combien de postes elle pourvoirait.

Les ministres de la Justice discutent de pistes de solutions pour régler la question des délais judiciaires. Certaines provinces, comme l'Ontario et le Manitoba, demandent l'élimination des enquêtes préliminaires.

Les provinces sont aux prises avec la multiplication des arrêts de procédures depuis l'arrêt Jordan émis par la Cour suprême l'été dernier qui fixe le délai pour les procès criminels à 18 mois en cour provinciale et à 30 mois en Cour supérieure.

La Cour suprême voulait ainsi s'attaquer à la « culture de complaisance à l'égard des délais » qui s'est installée au fil des ans dans l'appareil judiciaire et qui brime le droit d'un accusé d'être jugé dans un délai raisonnable.

Certains de ces arrêts de procédures ont soulevé l'indignation, comme celui de Sivaloganathan Thanabalasingam survenu le 6 avril. L'homme était accusé d'avoir tué son épouse. Il est devenu le premier Québécois accusé de meurtre à obtenir un arrêt des procédures en raison de délais trop longs.

La ministre Wilson-Raybould espère sortir de la rencontre avec un plan d'action pour réduire les délais judiciaires. Elle a indiqué que les peines minimales obligatoires, qu'elle a le mandat de revoir, feront partie des discussions.

« J'espère que nous pourrons bientôt faire avancer les choses pour nous assurer de créer le meilleur environnement pour que les juges puissent exercer leur discrétion », a-t-elle avancé.

Moins de la moitié des ministres de la Justice provinciaux sont présents à cette rencontre. Seuls les ministres du Québec, de l'Ontario, de l'Alberta et de Terre-Neuve-et-Labrador sont autour de la table. Les autres provinces sont représentées par leur sous-ministre.

Pas de solution miracle

L'Ontario croit que la nomination de nouveaux juges ne réglera pas la question des délais judiciaires.

« Ça fait partie de l'équation, mais ce n'est pas le problème principal, a affirmé le ministre de la Justice ontarien, Yasir Naqvi. Il faut aussi des changements structurels. »

Il préconise l'élimination des enquêtes préliminaires pour réduire les délais judiciaires.

À Québec, l'opposition péquiste implore la ministre Vallée de revenir d'Ottawa armée de solutions concrètes pour éviter l'avortement d'autres procès.

La quasi-totalité des 75 procès à la Cour supérieure de Montréal fait actuellement l'objet d'une requête en arrêt de procédures.

Quarante autres procès vont bientôt être hors délais, selon la porte-parole du Parti québécois en matière de justice, Véronique Hivon.

« On parle des crimes les plus graves qu'on peut avoir dans une société. On parle évidemment de meurtre, de complot pour meurtre, on parle de la grande criminalité », a-t-elle dit.

« Ce sont des chiffres complètement alarmants ; on est devant une situation d'une gravité extrême en matière de justice criminelle », a-t-elle ajouté.

Le PQ a demandé à Mme Vallée de revenir à l'Assemblée nationale avec, en mains : un engagement « clair et ferme » que la ministre fédérale nommera 14 juges à la Cour supérieure au Québec ; que le gouvernement Couillard mettra de l'avant des mesures supplémentaires pour « éviter l'hécatombe qui se profile devant nous » ; un état de situation en ce qui a trait à la Cour du Québec, et l'engagement qu'elle aura recours à la disposition de dérogation.

Cette disposition offrirait un délai supplémentaire aux tribunaux de la province pour juger les différents dossiers.

Mme Vallée a toujours refusé d'y recourir, arguant, entre autres, que cela entraînerait des contestations et retarderait les causes.

« L'effet pervers que l'on vit en ce moment, ce sont les centaines de requêtes en arrêt des procédures qui encombrent nos tribunaux. (...) Si la clause dérogatoire était contestée, ça c'est une cause », a dit Mme Hivon.