Ulcérée d'être constamment poussée hors des feux de la rampe, Lise Thériault a menacé de démissionner du Conseil des ministres. Et pour bien démontrer son exaspération, la ministre aux Petites et Moyennes Entreprises a fait savoir qu'elle ne serait pas présente à une annonce qui la concernait pourtant au premier chef.

Plusieurs sources ont confirmé à La Presse le geste de dépit de Mme Thériault, un coup de fil percutant au chef de cabinet de Philippe Couillard, Jean-Louis Dufresne, à la mi-février.

Mme Thériault promettait de quitter le gouvernement dès le lendemain. Elle faisait savoir en même temps qu'il ne fallait pas compter sur elle pour une annonce pourtant stratégique dans son secteur, un programme d'accompagnement pour les PME, mis en place par Revenu Québec. L'annonce au Centre de commerce mondial s'est faite avec la participation du secrétaire parlementaire du ministre Carlos Leitão, André Fortin, mais sans la ministre responsable des Petites et Moyennes Entreprises.

Circonspecte, prévenue des informations de La Presse, Mme Thériault s'est défendue d'avoir proféré des menaces de démission «dans les derniers jours».

«Je ne sais pas de quelle activité vous parlez que j'ai annulée à la dernière minute», a soutenu Mme Thériault, qui a accordé une entrevue depuis le Japon, où elle se trouve en mission officielle depuis une semaine.

Avez-vous menacé de démissionner dans les derniers jours?

«Non. Écoutez, des menaces au premier ministre, on n'en fait pas, et je n'ai pas menacé de démissionner dans les derniers jours. Définitivement.» En coulisses, des sources expliquent que les démissions épidermiques sont moins probables que dans le passé; le parlementaire qui ne termine pas son mandat n'a plus droit à sa prime de départ de près d'un an de salaire, automatique dans le passé.

Satisfaite de son rôle?

Quand on lui demande si elle est satisfaite du rôle qu'on lui fait jouer, elle réplique : «Vous savez, comme moi, que chaque ministre doit avoir un devoir de discrétion, je le dirais comme ça. Chaque ministre fait ses batailles pour faire avancer ses dossiers et, moi, je suis une femme d'équipe. J'ai pour habitude de faire mes batailles et quand je les gagne, je les gagne. La plupart du temps, je les gagne», a-t-elle soutenu. Elle avance aussi ne pas avoir lancé qu'elle ne voulait pas se représenter aux prochaines élections; «j'ai toujours dit que je me représentais. La décision de se représenter ou pas, c'est une décision qui se prend dans la dernière période de temps avant une campagne électorale», a souligné Mme Thériault, élue à six reprises dans Anjou, devenu depuis Anjou-Louis-Riel.

Au gouvernement on explique sans détour le vague à l'âme de la ministre Thériault. À la fin du gouvernement Charest, ministre du Travail, elle avait acquis une réputation hors norme en tenant tête aux syndicats du secteur de la construction. Elle était alors une des figures dominantes du gouvernement québécois. Depuis les Dominique Anglade, Stéphanie Vallée et Lucie Charlebois ont aussi eu une bonne part de l'attention des médias.

Les choses s'étaient gâtées avec le retour au pouvoir des libéraux au printemps 2014. On envoie la vice-première ministre à la Sécurité publique, un poste délicat où elle commet rapidement des impairs. Elle avait soutenu que ses hauts fonctionnaires et la Sûreté du Québec lui avaient menti, en lui faisant rapport des évasions par hélicoptère au Centre de détention d'Orsainville.

Plus tard, en 2015, elle verse des larmes lors d'un point de presse sur l'abus des femmes autochtones à Val D'Or. Après qu'elle eut sauté les plombs lors d'une réunion du Conseil des ministres, le gouvernement annonça qu'elle se retirerait pendant quelques semaines «pour des raisons de santé». Elle est revenue en janvier 2016, mais dans de nouvelles fonctions, comme responsable des Petites et Moyennes Entreprises. 

À titre de ministre responsable de la Condition féminine, elle suscita une controverse en soutenant qu'elle n'était pas «féministe», elle corrigea rapidement le tir soutenant qu'elle était féministe «à (sa) manière».

- Avec la collaboration de Martin Croteau, La Presse