Deux semaines après l'attentat de la Grande Mosquée de Québec, l'acrimonie est de retour à l'Assemblée nationale: les échanges ont tourné au vinaigre hier, mercredi, sur les questions identitaires.

M. Couillard a tiré le premier, sur le Parti québécois (PQ), à l'Assemblée nationale, hier.

« Je ne voudrais pas revenir sur les événements malheureux dont ce parti a été l'auteur [...] qui ont effectivement mené à une augmentation... », Philippe Couillard n'a pu finir sa phrase, l'Assemblée s'était embrasée. Son allusion à la Charte de la laïcité proposée par le PQ, a soulevé les réactions immédiates du côté de l'Opposition. Surtout que M. Couillard, depuis l'attentat, appelait à un discours plus serein sur ces questions délicates.

« On a entendu très clairement ce que le premier ministre a dit. Accuser le Parti québécois d'être à la source de cette intolérance, c'est impardonnable. Je lui demande de changer le ton, comme il l'a demandé à l'ensemble des Québécois », de répliquer le leader parlementaire du PQ, Pascal Bérubé.

« Je pense qu'on s'est énervé un peu vite, là », de s'expliquer M. Couillard. « Ce début de réponse pouvait être blessant. On essaie d'éviter les propos blessants ici », de trancher le président de l'Assemblée nationale Jacques Chagnon. « Ce n'est pas du tout ce que je voulais transmettre comme message », de convenir Philippe Couillard. « Je pense qu'il y a une dérive de ce côté-là. On va arrêter ça là. Je vais encore une fois répéter que c'est un choix de société, et c'est le rôle de cette Assemblée, de débattre des choix de société », ajoutera plus tard M. Couillard pour clore le débat.

Plus tard en après-midi, M. Couillard a précisé qu'il faisait référence à la Charte des valeurs du PQ. « Je ne voulais en aucune façon faire un lien entre mes collègues de l'opposition et les événements de Québec. En aucune façon. Mais l'épisode de la Charte des valeurs a eu un impact négatif », a-t-il souligné, rappelant les commentaires des Québécois de confession musulmane au lendemain de l'attentat.

Pour le chef péquiste Jean-François Lisée, Philippe Couillard « fait preuve lui-même d'intolérance » quand il décide que seule sa position doit avoir droit de cité en matière de signe religieux. « Depuis l'attentat terrible à la Grande Mosquée de Québec, les membres de cette Assemblée ont décidé d'avoir un débat apaisé et de mettre de l'eau dans leur vin », dira Lisée, remerciant François Legault et les membres de Québec solidaire d'être restés ouverts à la discussion.

Au contraire, relève Lisée, M. Couillard a décidé sans nuance de se camper dans une position - la permission sans contraintes de porter des signes religieux, fort du nouvel appui du philosophe Charles Taylor. « Il a décidé non seulement de défendre sa position à lui, ce qui est son droit, mais de dénigrer la position des autres en disant qu'elle représentait une dérive néfaste et qu'elle pouvait normaliser les discours xénophobes », de souligner Lisée.

Or, les tenants de la « dérive néfaste » de Philippe Couillard sont nombreux et importants. Non seulement Gérard Bouchard et le Conseil du statut de la femme ne partagent pas son opinion, mais c'est aussi le cas de bien des députés à l'Assemblée nationale, de la Cour de justice européenne et de dix démocraties en Europe dont la France, de répliquer M. Lisée.

Pour Lisée, pas question d'accuser le premier ministre de « souffler sur les braises de l'intolérance », comme il l'avait déjà fait à l'endroit de François Legault. « Nous ne l'accusons pas, en n'agissant pas, de créer de la division. Lui a accusé tous ceux avec lesquels il est en désaccord de normaliser la xénophobie. Je lui demande de s'excuser envers tous les Québécois qui ne pensent pas comme lui », de lancer le chef péquiste.

« On fait face ici à deux modèles complètement différents, de répliquer M. Couillard. Comment résoudre les problèmes de vie commune qui existent dans notre société comme dans les autres sociétés ? On a deux choix : on a le choix de l'exclusion et on a le choix de l'inclusion. On a un modèle qui dit : il faut que le Québec devienne la seule société nord-américaine à pratiquer la discrimination à l'emploi pour des raisons vestimentaires. Ce n'est pas notre option ».