L'Assemblée nationale n'en a pas assez fait pour combattre l'islamophobie et les élus sont mûrs pour un examen de conscience, estime Alexandre Cloutier, candidat défait à la direction du Parti québécois.

Son chef Jean-François Lisée ne s'est «absolument pas senti visé» par cette déclaration qui selon lui touche à la «responsabilité collective», malgré des propos controversés qu'il avait tenus lors de la course à la direction du PQ l'an dernier.

En point de presse avant d'entrer à la séance du caucus des députés du PQ dans un hôtel de Montréal, mercredi matin, Alexandre Cloutier a dit constater que la motion contre l'islamophobie adoptée en octobre 2015 est restée lettre morte.

La motion pilotée par la députée Françoise David, de Québec solidaire, visait à «condamner l'islamophobie, les appels à la haine et à la violence envers les Québécois de confession musulmane», et elle avait été adoptée à l'unanimité.

Or il y a une islamophobie ambiante au Québec et les élus doivent la dénoncer, a déclaré M. Cloutier. Le député de Lac-Saint-Jean a soutenu que les élus n'ont pas assez donné suite à la motion, à la lumière de l'attentat meurtrier contre une mosquée de Québec dimanche soir.

«C'est clair que la réponse est non, a-t-il dit. Comment expliquer notamment un taux de chômage si important dans la communauté musulmane? Comment expliquer que plusieurs souhaitent une commission parlementaire pour lutter contre toute forme de racisme?»

À son avis, il est clair qu'il faut aller plus loin et poser plus de gestes. «Force est de constater qu'il y a encore beaucoup d'ouvrage à faire», a-t-il dit.

M. Cloutier appelle tous ses collègues à un examen de conscience et à réviser leurs propos et leurs positions, à la suite de la tuerie de dimanche soir.

«Je nous invite tous à revoir nos déclarations, ce que nous avons écrit, dit ou relayé sur les médias sociaux. Je pense qu'on est mûrs pour se regarder un peu dans le miroir sur ce qu'on a fait», a-t-il dit.

Rappelons que le candidat défait à la succession de Pierre Karl Péladeau avait lui-même été ciblé pour ses positions sur la laïcité par son adversaire Jean-François Lisée, qui l'a emporté contre lui au terme de la course en octobre dernier.

M. Lisée avait alors laissé entendre que M. Cloutier avait obtenu l'appui d'Adil Charkaoui, un imam controversé de Montréal. Il avait aussi eu recours à un exemple d'une burka qui avait servi à cacher une arme automatique.

«Je m'attends des élus à ce qu'ils dénoncent toute forme d'extrémisme, de dérapages, d'amalgame, toutes sortes de raccourcis, qui ont malheureusement parfois une place trop importante», a poursuivi M. Cloutier.

«Je ne me suis absolument pas senti visé par son intervention de ce matin», a répondu M. Lisée quand des journalistes lui ont posé la question en conférence de presse au terme du caucus mercredi midi. Selon lui, M. Cloutier évoquait une «responsabilité collective».

«Alexandre et moi, nous nous parlons constamment, alors s'il a des messages à me passer, il peut me les passer», a poursuivi le chef péquiste.

Il a reconnu que ses déclarations passées de la campagne continuaient de l'embêter. Il a aussi rappelé qu'il avait déjà admis que c'est une journée de campagne qu'il aurait préféré oublier.

Alexandre Cloutier en a également profité pour décocher une flèche contre l'ancien projet de charte de la laïcité du gouvernement Marois dont il était membre. Cette charte visait à interdire les signes religieux ostentatoires dans la fonction publique, notamment les croix, les kippas, mais aussi les hidjabs, tchadors, etc. Selon lui, on rate ainsi la cible.

«À mon point de vue, le code vestimentaire n'a jamais été pour moi la priorité», a-t-il affirmé. Il réclame plutôt une lutte contre toute forme d'extrémisme, qu'on se penche notamment sur le financement accordé par des pays étrangers, aussi sur l'aptitude à prêcher de certaines personnes qui n'ont aucune formation.

De son côté, M. Lisée maintient qu'il faut toujours interdire aux fonctionnaires en autorité le port de signes religieux, conformément aux recommandations de la commission Bouchard-Taylor. Cependant, il a reconnu que ce serait inopportun actuellement.

«Évidemment, je ne prendrais pas cette décision en période de deuil, parce que des gens pourraient mal le prendre. Mais une bonne politique publique, c'est une bonne politique publique. (...) Ce n'est pas à un meurtrier de dicter les décisions démocratiques d'une société», a dit le chef péquiste.