Visé par une plainte d'inconduite sexuelle, le ministre de l'Agriculture Pierre Paradis a été relevé de ses fonctions et exclu du caucus des députés libéraux. La Sûreté du Québec a avisé jeudi le cabinet de Philippe Couillard que le député de Brome-Missisquoi faisait l'objet d'une enquête formelle.

Selon les informations obtenues par La Presse, M. Paradis a fait l'objet d'une plainte par une employée de son cabinet politique en congé de maladie depuis plusieurs mois. La Sûreté du Québec a rencontré à quelques reprises la plaignante et, après consultation avec le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales, a décidé qu'il y avait matière à enquête. Jeudi soir, M. Paradis n'avait toujours pas été interrogé par la police pour donner sa version des faits.

M. Couillard avait été prévenu durant sa mission à Davos, le 19 janvier, de l'existence du signalement visant son ministre. Par la suite, le mardi 24 janvier, son chef de cabinet Jean-Louis Dufresne a reçu une lettre de cette employée, qui expliquait la nature de sa plainte et donnait sa version des faits. Le communiqué publié jeudi par le cabinet du premier ministre Couillard était sans appel : il annonce la nomination de Laurent Lessard, qui cumulera les Transports et l'Agriculture, et ne fait aucune allusion à un retour éventuel de M. Paradis, une fois l'enquête conclue.

Peu de temps avant la publication du communiqué, M. Couillard avait tenu à prévenir l'ensemble de ses députés dans une conférence téléphonique.

Pas de violence

Aux termes de la loi, la plainte porte sur une « agression sexuelle », mais cette infraction au Code criminel ne fait pas nécessairement référence à l'usage de violence, tient à préciser une source policière. La plainte reçue par la Sûreté du Québec ne ferait aucunement état de gestes violents. Il semble qu'on soit davantage en présence d'un cas de « harcèlement » en milieu de travail. Un simple attouchement inconvenant - une claque sur les fesses, par exemple - peut valoir à son auteur une telle plainte d'inconduite, surtout si le geste est répété sur une certaine période. La réaction de la victime, au moment du geste, doit aussi être appréciée par les enquêteurs.

Ex-employée de l'Assemblée nationale, embauchée comme employée politique après les élections d'avril 2014, la plaignante avait travaillé plusieurs mois auprès du ministre Paradis avant de prendre congé, il y a 14 mois, pour épuisement professionnel. Elle est toujours employée politique au cabinet de l'Agriculture.

Cette cascade d'événements survient au moment où Pierre Paradis est frappé par une grave commotion cérébrale. Il était jeudi soir encore en observation à l'hôpital de Cowansville et doit être vu par son médecin ce matin, un examen déjà prévu avant sa rétrogradation. Depuis dimanche, il a vomi à plusieurs reprises. Paradis s'était heurté violemment la tête sur une remorque de chevaux en décembre, et les problèmes sont réapparus au moment où il montait à cheval, en fin de semaine dernière. Il n'est toutefois pas tombé de sa monture, a expliqué un proche.

Deuxième cas du genre du PLQ

Pierre Paradis est le second député du Parti libéral à se faire expulser du caucus pour une affaire d'inconduite sexuelle depuis un an. Le député de Laurier-Dorion et leader parlementaire adjoint du gouvernement Gerry Sklavounos avait été happé dans une telle tourmente l'automne dernier. Le 15 octobre, pendant un événement visant à dénoncer une série de viols survenus à l'Université Laval, Alice Paquet a soutenu avoir été agressée sexuellement en 2014 par l'élu montréalais. Selon sa version des faits, elle aurait rencontré le député dans un restaurant de Québec et aurait été agressée par celui-ci dans une chambre d'hôtel. Gerry Sklavounos a nié en bloc ces accusations. La jeune femme a déposé une plainte en mars 2016. Le dossier d'enquête sur cette affaire a été remis il y a un mois au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Aucune accusation n'a été portée contre Gerry Sklavounos, qui demeure en congé prolongé depuis la fin du mois d'octobre.

Le président de l'UPA « surpris »

Le président de l'Union des producteurs agricoles (UPA) Marcel Groleau s'est dit « surpris » par les circonstances du départ de l'ex-ministre de l'Agriculture, avec lequel il entretenait des relations difficiles. « Il y avait tout un scénario d'élaboré autour de sa situation, et tout à coup, on apprend finalement que ce n'était rien de ça et qu'il fait plutôt l'objet d'une enquête. Il aurait tenté de camoufler la situation jusqu'à [mercredi]. Je suis surpris ! », a-t-il affirmé, en entrevue avec La Presse jeudi soir. Le passage de l'ex-ministre Paradis au dernier congrès du syndicat des agriculteurs, en décembre dernier, avait été très houleux. Marcel Groleau s'est ainsi réjoui de l'arrivée en poste du ministre Laurent Lessard, qui a déjà dirigé ce ministère. « C'est une excellente nouvelle ! Je connais Laurent Lessard depuis longtemps. On a eu des dossiers difficiles ensemble, et on trouvait les solutions pour les régler », a-t-il expliqué.

La carrière politique de Pierre Paradis en bref

17 NOVEMBRE 1980

Pierre Paradis est élu député du Parti libéral dans la circonscription de Brome-Missisquoi lors d'une élection partielle.

16 OCTOBRE 1983

À 33 ans, il échoue à devenir chef du Parti libéral. Il termine deuxième, loin derrière Robert Bourassa, mais devant Daniel Johnson, lors de la course à la direction du parti.

12 DÉCEMBRE 1985

Réélu en 1981 puis en 1985, Pierre Paradis devient ministre du Travail et ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu sous le second gouvernement Bourassa. Il sera ensuite ministre des Affaires municipales au cours de ce mandat.

12 NOVEMBRE 1992

Alors ministre de l'Environnement depuis trois ans, Pierre Paradis devient leader parlementaire du gouvernement Bourassa. Il conservera ce poste dans l'opposition officielle pendant les deux mandats péquistes.

14 AVRIL 2003

Réélu pour la septième fois, le député chevronné est ignoré par le premier ministre Jean Charest qui l'écarte de son cabinet.

23 AVRIL 2014

Pierre Paradis fait son grand retour au cabinet des ministres. Il est nommé ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation par le premier ministre Philippe Couillard.

- Avec Louis-Samuel Perron, La Presse