Philippe Couillard doute que le Canada atteigne sa cible de réduction de 80 % des gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2050.

Ottawa a confirmé qu'il s'alignait sur l'objectif de 80 % à l'instar d'autres pays comme les États-Unis, mais le premier ministre du Québec a estimé jeudi que ce sera particulièrement difficile.

L'opposition officielle péquiste a elle-même remis en question jeudi la capacité du gouvernement Couillard à réaliser ses engagements de diminution des GES.

En mission à Marrakech, au Maroc, pour la COP22, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la ministre fédérale de l'Environnement, Catherine McKenna, a dit que comme «tous les pays autour du monde», le Canada allait viser les 80 % de réduction de GES, à partir de l'année de référence 2005, conformément à l'accord de Paris signé en décembre 2015.

«On doit avoir un plan à long terme, parce que nous savons qu'on doit faire plus», a-t-elle déclaré dans un point de presse à l'extérieur d'un pavillon de la COP22.

Non loin de là, Philippe Couillard a commenté la cible fédérale dans le bilan de sa mission, qu'il terminait aussi jeudi.

«Il va falloir travailler très fort pour y arriver», a-t-il affirmé dans une mêlée de presse, en laissant entendre que d'autres provinces tirent de la patte.

Ottawa a une grosse côte à remonter, selon lui, et il entend le démontrer au gouvernement Trudeau, mais il semble aussi lancer un message en faveur d'une aide fédérale plus forte au Québec.

«Nous, on est là pour collaborer avec le gouvernement fédéral, lui faire réaliser que le Québec a fait beaucoup et que ce qu'il reste à faire est particulièrement difficile, il faut qu'on tienne compte de ça», a dit le premier ministre.

Même si c'est le gouvernement fédéral qui est signataire de l'accord de Paris, le mécanisme d'Ottawa doit tenir compte des efforts de chacune des provinces et chacun des territoires.

Le Canada avait déjà comme cible la réduction, d'ici à 2030, de 30 % des émissions de GES par rapport au niveau de 2005. Le gouvernement Trudeau a ainsi conservé l'objectif qu'avait élaboré le précédent gouvernement conservateur de Stephen Harper.

M. Couillard avait aussi toutefois douté de la possibilité d'atteindre cette cible plus tôt cette semaine.

Mercredi prochain, le premier ministre sera par ailleurs à Paris pour discuter avec le président François Hollande notamment des changements climatiques.

Les cibles du gouvernement Couillard en matière de réduction de GES ont elles-mêmes été contestées par l'opposition jeudi. Présent à la COP22, le porte-parole du Parti québécois en matière d'environnement, Sylvain Gaudreault, a soutenu que Québec va manquer son objectif de 2020, soit de réduire de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990.

Il fait ainsi écho à Greenpeace Canada qui avait livré le même pronostic plus tôt cette semaine. Selon lui, le gouvernement libéral n'a pas mis assez de mesures en place pour atteindre sa cible et il faudra plus que la bourse du carbone.

«Clairement, le marché du carbone est insuffisant, il faudra d'autres mesures, a-t-il déclaré dans un point de presse sur les lieux de la conférence internationale. Il faudrait une politique d'aménagement du territoire, des mesures plus contraignantes, des incitatifs.»

Le ministre de l'Environnement, David Heurtel, qui accompagnait son chef en mission, s'est empressé de répliquer au discours de l'opposition.

«Il y a un consensus international» qui soutient qu'un marché du carbone suffit à infléchir à la baisse la courbe des émissions de GES, a-t-il laissé entendre, en citant l'exemple de la Chine qui s'inspirera du Québec pour mettre sur pied son marché du carbone en 2019.

Par ailleurs, après avoir refusé en début de semaine la proposition du Parti québécois d'une loi-cadre contraignante, comme la loi sur l'équilibre budgétaire, qui enchâsserait les objectifs de réductions de GES, le premier ministre s'est dit prêt jeudi à examiner cette option.

L'inventaire fédéral annuel des GES démontre que les émissions ont augmenté au Québec de 2013 à 2014, ses données les plus récentes, mais le marché du carbone québécois est entré en vigueur seulement à la fin de 2014. On est toujours en attente de l'inventaire provenant du gouvernement du Québec pour 2014.

Outre 2020, le Québec s'est donné l'objectif pour 2030 de réduire ses émissions de GES de 37,5 pour cent sous leur niveau de 1990. Pour 2050, le Québec vise plus de 90-95 pour cent, conformément à l'engagement d'une association internationale dont il fait partie.

On n'en sait guère plus cependant. Le gouvernement Couillard n'a toujours pas publié de plan détaillé pour y arriver, ce que déplore Greenpeace.

Le plan canadien visant à atteindre le 80 % de réduction de GES en 2050 devrait être dévoilé sous peu. Il préconiserait de doubler la production d'électricité propre, issue de sources non polluantes. La production d'énergie tirée de la biomasse ferait aussi partie de la stratégie.

De même, l'intégration des réseaux de transport d'électricité entre les provinces et aussi avec les États américains serait privilégiée.

Rappelons que la COP22 vise à mettre en oeuvre l'accord de Paris. Les pays devront convenir des outils de mise en oeuvre des engagements et des méthodes de comptabilisation des GES.

Convenu lors de la COP21, l'accord de Paris sur les changements climatiques est devenu une loi internationale le vendredi 4 novembre. Il vise à limiter la hausse moyenne de la température de la planète à au plus 2 degrés d'ici à 2050.

À ce jour, plus d'une centaine de pays générant plus de deux tiers des émissions de GES de la planète ont entériné cette entente. D'autres pays devraient s'y joindre au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

L'accord de Paris prévoit notamment à partir de 2020 un financement minimal de 100 milliards US par an des pays développés pour aider les pays pauvres à lutter contre les changements climatiques, avec des mécanismes de révision à la hausse. Un nouvel objectif chiffré sera annoncé avant 2025.