Le gouvernement Couillard maintient dans son projet de loi 62 que la neutralité religieuse de l'État n'a rien à voir avec la tenue vestimentaire.

Seule restriction: que le visage reste visible pour offrir ou recevoir les services gouvernementaux, par souci de communication, de sécurité et d'identification, et non pour des motifs ayant trait à la religion.

Aussi, en principe, rien n'empêchera une policière ou une juge de porter un hijab, ce foulard porté par les musulmanes qui recouvre la tête mais laisse l'ovale du visage découvert.

Une femme cachée sous son tchador, ce voile intégral noir qui dégage seulement le visage, pourra elle aussi obtenir ou offrir des services de l'État.

La neutralité religieuse de l'État québécois ne s'affichera pas par l'apparence de la personne, a réaffirmé mardi en point de presse la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, qui pilote la consultation autour du projet de loi 62, débutée mardi.

«C'est pas une charte sur le linge», a-t-elle résumé.

Elle a répété que son projet de loi, déposé en juin 2015, ne vise à interdire aucun vêtement en particulier, ni aucun signe religieux.

«Quel est le problème de ce que porte un individu?», s'est-elle interrogée.

En ce sens, le gouvernement prend ses distances du rapport de la Commission Bouchard-Taylor, qui recommandait, il y a déjà huit ans, d'interdire aux personnes au service de l'État exerçant une autorité coercitive (juges, policiers et procureurs, notamment) de porter des signes religieux.

Le fait que son projet de loi ait pour effet d'interdire le niqab et la burqa, des voiles recouvrant tout le corps et cachant même le visage en tout ou en partie, passera les tests des tribunaux et des chartes des droits, la québécoise et la canadienne, selon la ministre Vallée, qui dit avoir reçu des avis juridiques appuyant sa position.

Pas question de limiter les libertés individuelles et la liberté de religion, a-t-elle fait valoir.

Le premier groupe entendu dans le cadre de cette consultation, qui se poursuivra jusqu'au 9 novembre, était le groupe féministe «Pour les droits des femmes».

Une des porte-parole, Michèle Sirois, sociologue et anthropologue des religions, a demandé à la ministre de retirer son projet de loi.

Le groupe féministe, créé en 2013, estime que le hijab est un symbole de l'asservissement de la femme et doit être rejeté. Il reproche aussi au projet de loi de ne pas protéger les enfants placés en garderie, susceptibles d'être influencés par des éducatrices voilées.

«On ne parle jamais de la dignité des femmes» dans ce projet de loi, a déploré Mme Sirois, favorable à l'interdiction des signes religieux dans l'appareil de l'État.

La porte-parole péquiste, la députée Agnès Maltais, a déploré pour sa part que le projet de loi ne porte pas explicitement sur la laïcité de l'État, en proclamant clairement la séparation de l'État et de la religion au lieu de se contenter d'afficher une neutralité.

«L'État n'a pas de croyances et n'a pas de non-croyances», a commenté la ministre Vallée, pour définir la neutralité.

La pièce législative vise aussi à fournir aux organismes publics et institutions des balises servant à les aider à répondre adéquatement aux demandes d'accommodements religieux.

En vertu de la pièce législative à l'étude, les demandes d'accommodements religieux devraient notamment respecter le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes, ne pas compromettre la neutralité religieuse de l'État et n'imposer «aucune contrainte excessive».

De plus, «la personne qui en ferait la demande devrait participer à la recherche d'une solution raisonnable».

Parmi les autres intervenants qui viendront témoigner dans les prochaines semaines, notons la Fédération des femmes du Québec, le Congrès Maghrébin, la Ligue des droits et libertés, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le Barreau du Québec, l'ex-candidate péquiste et auteure Djemila Benhabib et l'ex-députée libérale Fatima Houda-Pepin.