Quelque 75 000 travailleurs dans des domaines aussi divers que les agences de sécurité, les services automobiles et l'entretien d'édifices publics sont concernés par un projet de loi qui est présentement à l'étude à Québec et dont peu de gens ont entendu parler.

La loi sur les décrets de convention collective, adoptée en 1934, fait présentement l'objet d'une révision. La ministre du Travail, Dominique Vien, souhaite ainsi améliorer la transparence, la gouvernance et la reddition de comptes des comités paritaires qui négocient ces décrets. Elle veut aussi hausser le montant des amendes qui peuvent être imposées et simplifier le processus de modification d'un décret.

Dans les faits, ce sont 75 000 salariés, mais aussi 2300 artisans et 8700 employeurs qui sont assujettis à l'un des 15 décrets de conventions collectives qui sont en vigueur dans les domaines visés, comme le camionnage, les services automobiles, les matériaux de construction et d'autres.

Ces décrets sont négociés par des comités paritaires, auxquels siègent des représentants patronaux et des travailleurs. Les conditions négociées sont étendues aux autres employeurs du même secteur. Les comités paritaires veillent aussi au respect des décrets.

En commission parlementaire, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui demande depuis longtemps l'abolition de ces décrets, s'est tout de même réjouie du fait qu'on « dépoussière » la loi pour accroître la transparence et l'imputabilité des comités paritaires.

« C'est une loi périmée, inéquitable et très lourde de conséquences dans le paysage des affaires au Québec », s'est exclamée sa vice-présidente principale, Martine Hébert, qui soutient qu'elle est « unique en Amérique du Nord ».

Elle a rappelé que le contexte des relations de travail au Québec a bien changé depuis 1934. Cette loi avait justement été adoptée pour accorder un minimum de protection sociale aux travailleurs, après la Grande Dépression.

Mme Hébert a notamment critiqué le fait que ceux qui siègent aux comités paritaires sont à la fois juges et parties, puisqu'ils veillent aussi à l'application du décret, après en avoir négocié les dispositions.

La FTQ, de son côté, a dénoncé les trop grands pouvoirs que s'arroge la ministre dans le projet de loi, notamment celui de réviser le contenu des décrets, pourtant négociés par des comités qui sont paritaires.

« On constate de plus en plus que le ministère du Travail a pris la fâcheuse habitude de centraliser de plus en plus de décisions auprès du ministère plutôt que d'accueillir favorablement les compromis qui ont été trouvés entre les parties », a déploré le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux, en commission parlementaire.

Deux autres centrales syndicales, la CSN et la CSD, ont conjointement dénoncé le fait que la ministre s'arroge le pouvoir de modifier des définitions, des termes et des expressions dans les décrets.

« La loi sur les décrets de convention collective joue un rôle très important dans tout le droit du travail », a rappelé le président de la Centrale des syndicats démocratiques, François Vaudreuil. Il s'est tout de même félicité du fait que les consensus dégagés entre les parties, lors de la consultation, avaient été reconduits dans le projet de loi.

« Cette loi est importante parce qu'elle permet de rehausser les conditions salariales et de travail de ces gens-là », a souligné la vice-présidente de la CSN, Francine Lévesque.