Un autre ancien employé de Laurent Lessard le met dans l'embarras: son attaché de presse du temps où il était ministre des Forêts a été recruté par une grande entreprise forestière sans respecter le délai d'un an prévu par la loi.

Pierre-Olivier Lussier a été licencié par M. Lessard en avril 2015 et est allé travailler directement chez Rémabec, une entreprise qui transigeait pourtant avec le ministère.

Or, le Règlement concernant les règles déontologiques applicables aux membres du personnel d'un cabinet prévoit qu'«un membre du personnel d'un cabinet ne peut, dans l'année qui suit la cessation de ses fonctions, accepter d'occuper un emploi au sein d'une entreprise avec laquelle il a eu des rapports officiels, directs et importants au cours de l'année qui a précédé la cessation de ses fonctions».

Qui plus est, Rémabec est la société mère de Pyrobiom, l'entreprise que dirige Yvon Nadeau, un autre ex-employé du bureau de circonscription du ministre plongé dans la controverse. M. Nadeau a obtenu une subvention de 3 millions $ pour Pyrobiom, une entreprise qui transforme la matière ligneuse en biocarburant.

En conférence de presse mercredi matin, la députée péquiste de Taschereau, Agnès Maltais, a laissé entendre qu'il y pourrait y avoir un lien entre ces allégations de copinage et de conflits d'intérêts.

«Avril, mai (2015), premier geste: Rémabec a une scierie. Ensuite de ça, Pyrobiom obtient sa subvention de 3 millions $ pour aller à un projet qui est dans la scierie de Rémabec. Alors, Yvon Nadeau quitte (le bureau de comté du ministre) pour aller à Pyrobiom. Pierre-Olivier Lussier quitte (le cabinet du ministre) pour aller chez Rémabec. Et puis, après ça, un an plus tard, qu'est-ce qu'on apprend? Rémabec achète Pyrobiom. Donc, il y a un malaise devant cette situation-là», a dit Mme Maltais.

Elle a accusé M. Lessard d'«incurie» quant aux activités de ses employés. Elle a soutenu que le premier ministre ou son ministre aurait dû demander une enquête du Commissaire à l'éthique. Toutefois le délai de prescription d'un an est maintenant écoulé et il est trop tard, a-t-elle reconnu.

Cependant, elle suggère que le Commissaire au lobbyisme et son collègue à l'éthique collaborent, comme le prévoient les règles, pour faire des enquêtes communes.

Pour sa part, le ministre a déclaré en chambre que M. Lussier avait signé, à son départ, un engagement à respecter les règles d'éthique d'après mandat.

«Je pense avoir fait mon travail à titre d'employeur, a déclaré M. Lessard en point de presse avant d'entrer à la séance du conseil des ministres. Si lui n'a pas respecté ses engagements, le commissaire à l'éthique verra pour lui.»

Il a précisé qu'il avait remercié M. Lussier parce qu'il était insatisfait de son travail.

Le Groupe Rémabec se présente comme «le plus grand entrepreneur forestier privé et le deuxième scieur en importance au Québec».

Les allégations de népotisme et de conflit d'intérêts s'accumulent sur le compte de Laurent Lessard depuis quelques semaines, maintenant qu'il est aux commandes du ministère des Transports, après la démission de Jacques Daoust.

En plus de diriger Pyrobiom, M. Nadeau s'occupait notamment du développement des affaires et siégeait au conseil d'administration d'Innoltek, une entreprise qui cherchait à obtenir du gouvernement des avantages fiscaux. Innoltek, une entreprise issue d'Oléoteck, un centre de transfert de technologie affilié au Cégep de Thetford Mines, a reçu 5 millions $ du gouvernement en 2011.

Autre source d'inquiétude pour l'opposition: le gouvernement a aussi versé une subvention de plus d'un million de dollars en 2008 à la station de ski du mont Adstock, ouvrant la porte à un promoteur qui a construit des chalets au pied des pentes. Le gestionnaire de la location des chalets de la station de ski était le même Yvon Nadeau.

Il a été à l'emploi de M. Lessard de 2003 à 2013, puis de 2014 à 2015, soit jusqu'à ce qu'il reçoive la subvention demandée un an plus tôt pour son entreprise, Pyrobiom Énergies. L'épouse de M. Nadeau, Stéphanie Donato, était elle aussi employée de M. Lessard à son bureau de comté, de 2012 à 2015. Le ministre est aussi le parrain du fils du couple.

De même, encore un sujet de controverse: Laurent Lessard, du temps où il était ministre des Affaires municipales du gouvernement Charest, était le patron de John MacKay, un organisateur libéral nommé à la tête de Société d'habitation du Québec (SHQ). La conjointe de M. Lessard, Johanne Binette, travaillait pour un organisme de développement d'habitations communautaires financé par la SHQ, qui relevait du ministère de son mari.

Le Journal de Québec avait calculé que 12,7 millions $ de subventions avaient été versés aux projets pilotés par la conjointe de M. Lessard, quand M. MacKay dirigeait la SHQ.

La CAQ demande que le Vérificateur général examine l'ensemble du dossier.