Un troisième cas de conflit d'intérêts potentiel relié au ministre Laurent Lessard a été soulevé mardi par les partis d'opposition.

Comme les deux cas précédents, mis au jour au cours des dernières semaines, le plus récent dossier vise un ancien employé du bureau de circonscription du ministre des Transports pendant plusieurs années, Yvon Nadeau, qui gérait en parallèle des entreprises privées.

L'opposition péquiste et la Coalition avenir Québec (CAQ) estiment que M. Lessard s'est placé dans une position embarrassante, a manqué de jugement et d'éthique en gardant à son emploi un ami relié à trois entreprises ayant cherché à obtenir le soutien financier de l'État. Il aurait donc tiré un profit personnel de son association avec le ministre, dont le sens de l'éthique est remis en question jour après jour à l'Assemblée nationale.

Tandis qu'il conseillait le ministre Lessard, dans la région de Thetford Mines, Yvon Nadeau s'occupait notamment du développement des affaires et siégeait au conseil d'administration d'Innoltek, une entreprise qui cherchait à obtenir du gouvernement des avantages fiscaux, ont révélé mardi le député caquiste de Borduas, Simon Jolin-Barrette, et la députée péquiste de Taschereau, Agnès Maltais.

Le commissaire à l'éthique doit remettre un rapport, pour évaluer le rôle du ministre Lessard dans un autre dossier, soit une subvention gouvernementale de 3 millions $ versée en 2015 à l'entreprise Pyrobiom Énergies, appartenant à Yvon Nadeau.

Le gouvernement a aussi versé une subvention de plus d'un million de dollars en 2008 à la station de ski du mont Adstock, située dans la circonscription de M. Lessard. Cette aide a ouvert la porte à un promoteur qui a construit des chalets au pied des pentes. Le gestionnaire de la location des chalets de la station de ski était le même Yvon Nadeau.

«C'est l'homme à connaître à Thetford Mines», a conclu M. Jolin-Barrette, en point de presse.

«Pourquoi le ministre a-t-il permis un tel cumul de mandats? Pourquoi? Quelle est la raison?», s'est interrogée de son côté Mme Maltais en Chambre, étonnée de voir M. Nadeau occuper quatre emplois avec l'aval du ministre.

Sur la défensive, le ministre Lessard continue de clamer son innocence, affirmant qu'il a suivi toutes les règles en vigueur et qu'il s'attend à être blanchi par le commissaire à l'éthique.

Innoltek, une entreprise qui commercialise des produits industriels environnementaux, est issue d'Oléoteck, un centre de transfert de technologie affilié au Cégep de Thetford Mines qui a reçu 5 millions $ du gouvernement en 2011, a rapporté le député Jolin-Barrette.

Dans une lettre datée du 23 avril 2015, obtenue par la CAQ, Innoltek a demandé au ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles d'avoir accès à des incitatifs fiscaux. On ignore si le ministère a donné suite à cette demande.

M. Jolin-Barrette a demandé mardi au ministre Lessard s'il était au courant que son employé et ami siégeait sur deux conseils d'administration d'entreprises intéressées à obtenir des avantages du gouvernement, en 2014 et 2015.

L'opposition péquiste et Québec solidaire ont réclamé la démission du ministre la semaine dernière. La CAQ, qui a demandé au Vérificateur général de s'emparer du dossier Lessard-Nadeau, dit attendre le dépôt du rapport du commissaire à l'éthique avant de se prononcer sur l'avenir de M. Lessard.

Yvon Nadeau a été à l'emploi du ministre Lessard de 2003 à 2013, puis de 2014 à 2015, soit jusqu'à ce qu'il reçoive la subvention demandée un an plus tôt pour son entreprise, Pyrobium Énergies.

L'épouse de M. Nadeau, Stéphanie Donato, était elle aussi employée du ministre Lessard à son bureau de comté, de 2012 à 2015. Le ministre est aussi le parrain du fils du couple.