Les villes n'auront pas le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs employés. Le gouvernement Couillard envisage de proposer un arbitrage, suivi d'une forme de conciliation. En bout de course, la convention devrait être entérinée par une instance afin de lui donner un poids juridique - ce pourrait être le ministère des Affaires municipales, ou plus probablement un juge.

Des entretiens informels avec les maires, le gouvernement retient que les villes seront prêtes à accepter d'autres voies que le droit de décréter les conventions, a appris La Presse.

À la veille de déposer un projet de loi sur les relations de travail dans le monde municipal, Québec jongle encore avec quelques hypothèses pour « rééquilibrer » le rapport de force entre les villes et leurs employés, le seul engagement formel qu'il avait pris dans le pacte fiscal de septembre 2015, insiste-t-on en coulisses. Des propositions différentes sont venues des ministères du Travail, des Affaires municipales et de la Justice.

Le texte approuvé par les deux unions municipales ne parle pas du droit des villes de « décréter » les conventions. Les maires ont largement répandu cette interprétation, et Québec ne les a jamais corrigés toutefois.

Mais Philippe Couillard restera bien vague ce matin en prenant la parole devant les membres de l'Union des municipalités réunis en congrès annuel. En coulisses, on explique que le gouvernement est bien conscient qu'il ne peut donner aux villes ce pouvoir de décréter les conditions de travail, une solution qui serait vite cassée par les tribunaux.

UN « ENGAGEMENT À RÉTABLIR L'ÉQUILIBRE »

Louvoyant toute la journée hier, le ministre des Affaires municipales Martin Coiteux s'est contenté de répéter que le gouvernement veut « rétablir le rapport de force » dans les négociations entre les villes et leurs employés. La signature du gouvernement dans le pacte fiscal de l'an dernier était uniquement un « engagement à rétablir l'équilibre », insiste-t-il.

« L'engagement qu'on a pris était de moderniser le cadre actuel des négociations. Il n'est pas équilibré, il ne reconnaît pas pleinement le rôle des municipalités comme des gouvernements qui ont à gérer l'argent des contribuables. On va utiliser les meilleurs moyens pour rétablir l'équilibre », a soutenu le ministre Coiteux, martelé de questions toute la journée sur les intentions de Québec. À bout d'arguments, il a laissé tomber : « Les moyens vont être des moyens, et vont être les meilleurs moyens. »

Mais il s'est gardé de répéter l'engagement de permettre aux villes de décréter les conditions de travail, ce qu'avaient compris les municipalités en signant le pacte fiscal en septembre 2015.

À ses côtés, Suzanne Roy, présidente sortante de l'Union des municipalités, a joué de prudence, affirmant que le pouvoir de décréter les conditions de travail « est pour nous une solution viable ». Ce pouvoir est encore « le meilleur moyen » pour les municipalités, mais « avant de critiquer quoi que ce soit, on va attendre le projet de loi ». La veille, elle avait répété que les villes s'attendaient à obtenir ce pouvoir.

LES SYNDICATS EN FURIE

Témoin du point de presse, Marc Ranger, directeur général du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), rugissait. « On règle 95 % de nos négociations sans conflit, sans moyens de pression. Il n'y a pas de déséquilibre, a soutenu le syndicaliste. Si on nous impose un arbitrage forcé, un cadre imposé, ce n'est pas acceptable. On ne laissera pas restreindre nos droits, d'une façon ou l'autre. Lâchez-nous les baskets ! »

« On a une étude qui prouve que les employés municipaux ne sont pas privilégiés par rapport aux autres syndiqués. Mme Roy ment quand elle soutient qu'on a un avantage de 39 % », a ajouté M. Ranger. Plus tôt, le SCFP avait rendu publique son « analyse critique » d'une étude de l'Institut de la statistique du Québec. L'écart entre les employés municipaux et les autres syndiqués du secteur privé est de 22 %, comparable à l'ensemble de la fonction publique.

À Montréal, le maire Denis Coderre a souligné que les villes s'attendaient toujours à obtenir le droit de décréter les conditions de travail. « Les municipalités ont signé un pacte fiscal et on s'attend à ce qu'il soit respecté », a-t-il déclaré.

La Presse rapportait hier que Québec n'avait pas l'intention de donner un pouvoir de décréter les conditions de travail aux villes, contrairement à ce qu'avaient compris les maires lors de la signature du pacte fiscal avec Québec, en septembre 2015. Québec travaille sur une formule d'arbitrage où l'arbitre devrait tenir compte des intérêts des contribuables, ce qui n'existe pas actuellement en cas de litige entre un employeur et ses salariés.

À l'Assemblée nationale, le député caquiste Mario Laframboise a rappelé que l'Union des municipalités avait publié en février dernier un document où elle répétait qu'elle s'attendait à la « mise en place d'un mécanisme permettant aux municipalités, sous certaines conditions, de déterminer les conditions de travail ». Pour son chef, François Legault, à défaut d'un mécanisme formel, les villes se verront forcées de refiler la facture des hausses de salaires aux contribuables.

Du côté du PQ, Sylvain Gaudreault, ancien ministre des Affaires municipales, s'est dit estomaqué de la volte-face de Québec. « Je n'en reviens pas. Le gouvernement a fait des propositions qui n'avaient pas d'allure, fait miroiter des choses aux maires. Maintenant, il rompt cet engagement et a tout le monde contre lui, les travailleurs, les maires. Je trouve ça terrible. Au lieu de travailler en concertation, le gouvernement a confronté ses partenaires du monde municipal. »