Deux systèmes parallèles pour l'industrie du taxi peuvent être viables sans que le gouvernement ait à racheter les permis de l'industrie traditionnelle. Ceux-ci conserveraient des privilèges refusés aux chauffeurs d'Uber.

En outre, ces derniers verraient leurs bénéfices diminuer une fois qu'on leur aurait imposé les frais de taxes, d'assurance et de permis sans lesquels ils ne pourraient exercer leur occupation. Bref, le nouvel environnement, différent pour les deux groupes, serait équitable.

C'est ce que conclut le comité ministériel chargé d'examiner la réforme de l'industrie du taxi. Intitulé « Réforme de l'industrie du taxi », le document de quatre pages, remplies de statistiques, conclut qu'il n'est pas utile de racheter les permis des chauffeurs de l'industrie traditionnelle et que la valeur de ceux-ci ne déclinera pas comme ils le prétendent.

Le document que La Presse a obtenu énonce les conclusions des ministères des Finances, des Transports, de l'Agence du revenu, une proposition déposée au début d'avril. Ce scénario est à l'étude au comité ministériel du développement économique, qui se réunit aujourd'hui à Québec.

Le ministre des Transports Jacques Daoust préconisait un régime unique, qui en pratique aurait évincé Uber du marché. Hier à l'Assemblée nationale, il était moins catégorique et évitait de répéter son credo pour un régime identique pour tout le monde. Par ailleurs, a appris La Presse, le caucus des députés libéraux est manifestement favorable au maintien d'Uber - les promoteurs ont fait une tournée des élus, hier, à l'Assemblée nationale.

Le document du comité ministériel précise qu'on constate qu'en « imposant la perception des taxes aux fournisseurs de services d'applications mobiles, le bénéfice avant impôts des chauffeurs d'Uber devient nettement inférieur à celui des détenteurs de permis de taxi, et ce, malgré le financement du coût des permis que ces derniers doivent assumer ».

Si on ajoute les frais pour les questions de sécurité, les assurances commerciales, la vérification des antécédents judiciaires et l'inspection mécanique qui serait imposée aux chauffeurs d'Uber, leur avantage se réduit encore.

« Contrairement à ce qui est avancé par Uber, il semblerait que les revenus générés par leurs chauffeurs soient beaucoup moins importants que les 20 $ l'heure présentés par l'entreprise [dans son recrutement]. »

- Le comité ministériel chargé d'examiner la réforme de l'industrie du taxi

L'intérêt des automobilistes désireux de participer à Uber vient « du peu de barrières à l'entrée pour pratiquer un travail d'appoint ». En effet, 75 % des chauffeurs sont actifs moins de 20 heures par semaine et 50 % le sont moins de 10 heures, constatent les hauts fonctionnaires.

Le comité propose d'augmenter les contraintes pour les chauffeurs d'Uber, mais aussi de les réduire pour les chauffeurs traditionnels. On éliminerait pour eux la formation obligatoire, qui n'est pas exigée pour les chauffeurs d'Uber.

Actuellement, le chauffeur d'Uber paie en frais fixes 8512 $ de moins que son concurrent traditionnel. Avec les changements proposés, il paierait 1500 $ de plus que le chauffeur avec permis, soit 44 500 $, contre 43 000 $ pour ce dernier.

DES « MARCHÉS RÉSERVÉS »

Les chauffeurs avec permis auraient des « marchés réservés ». Eux seuls seraient autorisés à cueillir les clients qui hèlent une voiture dans la rue, auraient accès à des postes d'attente et à des voies réservées et pourraient décrocher des contrats gouvernementaux en matière de transports - transport adapté et médical. Le système de quotas serait maintenu - le nombre de permis ne bougera pas -, mais Québec pourrait décider que dans 15 ou 20 ans, ces permis ne seront plus transférables, suggèrent les fonctionnaires.

Pour le comité, ce régime assurerait à l'industrie traditionnelle du taxi une part importante de l'activité, « au minimum » le quart des 564 millions générés par le secteur. On ne constate pas de baisse de la valeur des permis en dépit de l'apparition d'Uber, poursuit-on, hormis dans certains secteurs. Enfin, pour le ministère des Finances, la cause était entendue : mettre en branle une politique de rachat supposait qu'on applique aux équilibres de l'année la totalité de la dépense potentielle, soit 1,3 milliard. Pour le ministre Daoust, en revanche, d'autres avenues auraient pu être envisagées.

Selon le mémoire des ministères, les chauffeurs d'Uber auraient à payer un permis, dont les frais restent à déterminer. Ce permis ne leur donnera pas accès aux « marchés réservés ». Ils devraient acquérir une « formation allégée » vérifiée tous les deux ans et se soumettre à la vérification de leurs antécédents judiciaires. Ils devraient avoir une plaque d'immatriculation commerciale et probablement une assurance commerciale (2000 $ par année).