Dans un revirement inattendu, Philippe Couillard ouvre toute grande la porte au maintien des élections scolaires. Le premier ministre glisse même qu'il « aimerait bien » tenir ces élections en même temps que les scrutins municipaux.

À l'entendre en entrevue éditoriale, il est clair que la réforme de la gouvernance du réseau de l'éducation sera complètement revue. Déposé en décembre, le projet de loi 86 vise entre autres à abroger la Loi sur les élections scolaires. Les consultations en commission parlementaire se sont terminées cette semaine sans consensus.

L'intention d'abolir les élections scolaires est maintenant remise en question. « On est en réflexion là-dessus. Vous savez, la démocratie, c'est une chose précieuse et fragile, même lorsqu'elle ne donne pas tous les résultats qu'on souhaiterait », a affirmé Philippe Couillard.

Ses propos tranchent avec ce qu'il disait l'automne dernier. Il justifiait alors l'abolition des élections scolaires en rappelant les faibles taux de participation. En novembre 2014, le taux a atteint 17,26 % dans les commissions anglophones, contre 4,85 % dans les francophones. « Il y a d'autres façons de conserver une représentativité que de faire des élections avec de bas taux de participation », plaidait-il.

ÉLECTIONS SCOLAIRES ET MUNICIPALES ?

Le changement de cap est donc important. En entrevue, Philippe Couillard a insisté : « On a entendu les représentations et les soucis de la communauté de langue anglaise au Québec, qui voit son réseau scolaire comme un facteur d'identité absolument essentiel. » Les commissions anglophones brandissent depuis des mois la menace d'une poursuite judiciaire. Dans les régions aussi, l'abandon de l'élection des commissaires au suffrage universel a soulevé des critiques. « Alors on va réfléchir profondément à la question », a dit le premier ministre. « On ne veut pas de système inefficace, on ne veut pas de système coûteux. On veut un système où les gens participent réellement. »

La solution serait-elle de tenir les élections scolaires en même temps que les scrutins municipaux ? « J'aimerais bien, a-t-il répondu, mais il y a beaucoup de municipalités qui ne sont pas très enthousiastes devant l'idée. » Il souhaite « continuer le dialogue » sur cet enjeu.

En septembre dernier, le père du ministère de l'Éducation et figure emblématique du PLQ Paul Gérin-Lajoie avait infligé une rebuffade au gouvernement en se portant à la défense des élections scolaires lors d'un colloque organisé par le parti de Philippe Couillard. Le gouvernement s'apprête à « jeter le bébé avec l'eau du bain », avait-il déploré alors que le premier ministre était assis à ses côtés. Le DGE Pierre Reid a plaidé pour le maintien des scrutins.

Selon sa mouture actuelle, le projet de loi vise à remplacer le conseil des commissaires par un conseil formé de parents, de représentants de la communauté, de membres du personnel et de la direction des écoles. Ils seraient nommés par leurs pairs ou les parents. Le projet de loi prévoit la possibilité d'élire au suffrage universel les six représentants de la communauté si au moins 15 % des parents du territoire de la commission signent un registre. La formule a été jugée alambiquée par bien des intervenants en commission parlementaire.

PLUS D'AUTONOMIE AUX ÉCOLES

Sur l'ensemble du projet de loi 86, « là où il y a un accord, c'est sur la nécessité de donner plus d'autonomie à l'école », a relevé Philippe Couillard. Il faut selon lui obliger toutes les commissions scolaires à créer « un comité sur l'allocation des ressources », où tous les dirigeants des écoles se réunissent pour déterminer les priorités de la prochaine année. Il faut éviter que ces décisions se prennent « unilatéralement par les commissions scolaires », a soutenu le premier ministre. Les budgets liés à la réussite scolaire doivent quant à eux aller « directement dans les écoles sans faire d'arrêt à la commission scolaire ». « L'essentiel du consensus, il est là. On va se concentrer là-dessus. » 

Des amendements importants seront apportés « au cours des prochaines semaines » par le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx. Le projet de loi, écrit par François Blais, sera « passablement amélioré », a ajouté Philippe Couillard. La réforme, qui devait être mise en oeuvre à temps pour la rentrée scolaire, pourrait être reportée. « On va prendre le temps qu'il faut pour l'adopter correctement. »

LA FORMATION DES ENSEIGNANTS REVUE 

Québec avait ouvert le bal au début de son mandat en voulant fusionner les commissions scolaires, un projet qu'il a abandonné. « Peut-être qu'on a mis trop d'accent dans le travail sur les questions de gouvernance, les questions de structure, de mécanique », a reconnu M. Couillard. Mais désormais, dit-il, « les liens sont rétablis entre le milieu de l'éducation et le ministre ». 

Le gouvernement présentera prochainement une politique sur la réussite scolaire. La formation des enseignants sera également revue. Québec avait annoncé il y a un an son intention d'imposer des conditions d'admission plus sévères au baccalauréat en enseignement, mais le dossier traîne depuis. « Je sais bien qu'il y a eu des changements fréquents au ministère de l'Éducation, mais le gros du travail reste dans la continuité », a dit Philippe Couillard.