Les déboires de Sam Hamad, l'intégrité des élus, le financement du PLQ sous Jean Charest ; le gouvernement Couillard arrive esquinté à mi-mandat. Et après les coups d'épée dans l'eau du remaniement et du budget, le premier ministre voulait changer de registre, dans une entrevue éditoriale sollicitée par La Presse à l'occasion du deuxième anniversaire de son élection. Pour apporter un souffle nouveau à Québec, il mise sur le feu vert bientôt donné aux ambitieux projets de la Caisse de dépôt.

La Caisse de dépôt et placement annoncera d'ici quelques semaines qu'elle ira de l'avant avec ses deux projets de transports collectifs électriques, un chantier de 5 milliards, « le plus enthousiasmant pour les Montréalais depuis la construction du métro », au début des années 60, estime Philippe Couillard. Et ce dernier ne laisse planer aucun doute par ailleurs sur le prolongement de la ligne bleue du métro vers l'est : « On va le faire ! », dit-il.

En janvier 2015, la Caisse (CDP) avait annoncé son intérêt pour deux projets de train électrique sur des tronçons très fréquentés de Montréal. Mais le feu vert était conditionnel aux études quant à la rentabilité de l'entreprise. Ce test est concluant et Michael Sabia pourra bientôt, avant la fin mai, lever le voile sur un projet définitif. La CDP reste sur son échéancier d'origine, une mise en service pour 2020, ce qui suppose une mise en chantier rapide, dès 2017.

Un changement de cap, toutefois, pour le train de l'Ouest : la section au-delà de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau se fera dans une seconde phase, a appris La Presse.

Par ailleurs, le premier ministre Couillard n'a laissé planer aucun doute vendredi quant à un feu vert pour la réalisation du prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal. « On va le faire ! », a-t-il soutenu sans ambages, précisant que Québec en était à finaliser des discussions à ce sujet avec le gouvernement fédéral. Plus tôt, cette semaine, le premier ministre du Canada Justin Trudeau, de passage à Montréal, avait soutenu qu'il appuierait ce projet à la condition que Québec le retienne parmi ses priorités. Les six kilomètres du prolongement vers l'est coûteraient 3 milliards, selon les dernières estimations du ministère des Transports du Québec.

Mais c'est le projet soumis il y a 15 mois par la Caisse de dépôt qui manifestement mobilise l'attention de Philippe Couillard. Selon les informations obtenues par La Presse, Michael Sabia et son vice-président Christian Dubé ont fait, fin mars, une présentation du projet définitif au premier ministre et à son chef de cabinet, Jean-Louis Dufresne.

LA « VISION » DE LA CAISSE DÉVOILÉE SOUS PEU

« Ce ne sera pas long avant que la Caisse de dépôt ne présente sa vision, il y aura quelque chose de très enthousiasmant pour la population du Québec et de la grande région de Montréal là-dedans », a observé M. Couillard, soulignant le caractère « innovant » du projet. La Caisse, jusqu'ici, avait le pouvoir de gérer de tels projets d'infrastructure en dehors du Québec ; il a fallu légiférer pour l'autoriser à piloter des projets locaux. Le SkyTrain, qui relie Vancouver à son aéroport, est un projet de la Caisse de dépôt, géré par la Caisse et SNC-Lavalin, a souligné M. Couillard.

Le premier projet de train propulsé par moteur électrique partira du centre-ville de Montréal pour se rendre à l'aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau. Selon nos informations, la Caisse devra y aller par « séquence » ; elle ne pourra annoncer en même temps le tronçon de l'aéroport vers Pointe-Claire et Fairview comme prévu à l'origine. La fréquentation au-delà de l'aéroport soulève des questions de rentabilité.

Vendredi, M. Couillard a éludé les questions sur ce constat. Dans son projet de janvier 2015, la Caisse suggérait une ligne de 28 kilomètres de long, dotée de cinq stations et de trois terminaux. La Caisse était l'opérateur du réseau, qui permettait selon elle de réduire jusqu'à 80 millions le nombre de kilomètres parcourus en auto chaque année. Le but premier : accroître l'utilisation du transport collectif au moment où la STM annonce sa première baisse de fréquentation (un recul de 0,9 %) depuis 2004.

DESSERVIR LES CITOYENS DE L'OUEST-DE-L'ÎLE

Le projet de la CDP « va fortement améliorer la qualité de vie des citoyens de l'Ouest-de-l'Île. Ça va aller loin, encore plus loin. L'important est que cela se fasse. Cela fait combien de temps qu'on n'a pas fait de grand projet dans la région de Montréal ? », a lancé M. Couillard, détournant la question quant au report du tronçon se rendant aux circonscriptions de Carlos Leitao (Robert-Baldwin) et de Martin Coiteux (Nelligan).

« On va être capable d'aller directement de l'aéroport Pierre-Elliot-Trudeau au centre-ville par un moyen moderne, rapide et fiable. C'est la première fois, depuis très longtemps, je dirais depuis le métro de Montréal, qu'on aura devant nous un projet de grande ampleur, enthousiasmant, qui va améliorer la planification urbaine à Montréal », a affirmé M. Couillard.

La rentabilité du train électrique sur le pont Champlain est plus évidente ; on pensait atteindre 90 000 déplacements par jour en 2021 quand l'avant-projet a été rendu public. Actuellement, le pont sert à 20 000 déplacements en voiture par jour et permet à 22 000 personnes de se rendre au travail au moyen des transports collectifs. On parle de 15 kilomètres de voie à deux directions, de sept à huit stations sur la Rive-Sud et de deux terminaux.