La nouvelle marge de manoeuvre dans les coffres du gouvernement servira à mieux financer les services publics, réduire la dette et diminuer le fardeau fiscal des Québécois, a promis mercredi le premier ministre Philippe Couillard, à la veille du dépôt du prochain budget.

Le troisième budget du ministre des Finances, Carlos Leitao, sera déposé jeudi. On sait déjà que l'équilibre budgétaire sera atteint, après six années de déficits.

On sait aussi qu'une certaine marge de manoeuvre, qui pourrait atteindre autour de 2 milliards $, devrait permettre au gouvernement d'adoucir un peu son image de champion de la stricte austérité budgétaire, après deux années d'importantes compressions imposées à l'appareil de l'État, de hausses de taxes et de tarifs.

Mais malgré ce coussin monétaire, acquis au prix de sacrifices certains, le gouvernement Couillard, rendu à mi-mandat, cherche toujours à projeter une image de frilosité rigoriste.

Ainsi, traditionnellement, la veille d'un budget, le ministre des Finances affiche fièrement une toute nouvelle paire de chaussures. Mais mercredi, M. Leitao a brisé la tradition, préférant se présenter devant les médias avec aux pieds une bonne vieille paire de chaussures. Son message aux Québécois : évitons de dépenser, à moins que ce soit vraiment « nécessaire ».

Le gouvernement va « dépenser là où nous jugeons être utile et nécessaire », a-t-il dit, en exhibant ses souliers usagés, symbole de sa philosophie budgétaire.

Les évaluations varient sur le montant exact des sommes amputées par le gouvernement à ses programmes depuis deux ans. L'économiste Pierre Fortin calcule qu'il y en a eu pour environ 2,5 milliards $.

La part du lion à l'éducation

Le secteur de l'éducation devrait avoir la part du lion des surplus. Récemment, le premier ministre a haussé les attentes en annonçant que le budget contiendrait un réinvestissement massif en éducation, un secteur particulièrement touché depuis deux ans, du primaire à l'université.

Dans le passé, M. Couillard a toujours dit que la moitié d'éventuels surplus servirait à éponger la dette, par une contribution au Fonds des générations, l'autre moitié se transformant en baisses d'impôts.

L'abolition progressive de la taxe santé fait aussi partie des engagements du gouvernement.

Lors d'une mêlée de presse, mercredi matin, M. Couillard a dit que « la nouvelle réalité économique » faisait en sorte que son gouvernement allait orienter son action autour de quatre grands thèmes : la formation, l'innovation, l'économie libre de carbone et le souci d'« attirer et garder les talents chez nous ».

Ces thèmes trouveront « un écho » dans le budget 2016-2017, a promis M. Couillard.

Il a aussi reconnu que les deux dernières années avaient été « difficiles » sur le plan des finances publiques et que des « efforts importants » avaient été exigés de toute la société pour arriver à boucler un budget sans déficit.

Le premier ministre a également affirmé que la faible croissance économique, 1,3 % en 2016 et 1,6 en 2017 selon Desjardins, n'avait rien à voir avec les décisions budgétaires du gouvernement.

Obsédé par les dépenses

La situation économique du Québec est très préoccupante, a commenté le chef de l'opposition officielle, Pierre Karl Péladeau.

Depuis 10 mois, aucun emploi n'a été créé au Québec, a-t-il déploré mercredi, lors d'un point de presse visant à énumérer ses attentes budgétaires.

« L'obsession » du premier ministre Couillard pour l'élimination rapide du déficit « a entraîné des impacts majeurs sur les familles », notamment par l'augmentation des frais de garde, a dénoncé M. Péladeau.

« Il n'y a pas de stratégie industrielle, il n'y a pas de politique économique », a-t-il ajouté, reprochant au gouvernement d'être obsédé par la colonne des dépenses, au lieu de miser sur celle des revenus en utilisant les leviers à sa disposition.

Le porte-parole péquiste, Alexandre Cloutier, a évalué le manque à gagner dans le réseau de l'éducation à 1,4 milliard $. Il a ajouté que selon HEC Montréal le gouvernement devrait investir 2 milliards $ dans le réseau pour combler les coupes des deux dernières années.

« Les Québécois sont angoissés, ils sont endettés », a renchéri le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, convaincu que M. Couillard « est allé trop loin » en alourdissant le fardeau fiscal par des hausses de taxes et de tarifs.

La priorité doit donc aller aux baisses d'impôts pour relancer l'économie, selon le chef caquiste qui préconise « un remède de cheval ».