Le comité qui s'est penché sur l'aide médicale à mourir, à Ottawa, livrera jeudi matin des recommandations qui plairont à la «majorité des Canadiens», de l'avis du président de ce comité. Pourtant, il y aura rapport dissident, signé par les députés conservateurs.

Rob Oliphant a dirigé les travaux de 11 députés et cinq sénateurs et il annonce que le résultat de cet exercice prendra la forme de recommandations spécifiques pour encadrer le droit à l'aide médicale à mourir, droit reconnu par un jugement de la Cour suprême du Canada en février 2015.

Les législateurs ont rédigé «une série complète de recommandations pour couvrir chacune des questions d'importance soulevée par les témoins», a confié le député Oliphant au cours d'une entrevue téléphonique.

Ces questions vont du consentement préalable au droit du médecin de refuser de poser le geste réclamé.

«Nous nous sommes assurés qu'il y aura des balises (...) que les gens vulnérables dans notre société (...) soient protégés. Nous nous sommes assurés de ça», a insisté M. Oliphant.

En entrevue téléphonique, le député libéral René Arsenault, membre du comité, a laissé entendre que le rapport fait des recommandations sur l'âge minimum requis ainsi que sur l'état de santé mentale du patient avant qu'il ne réclame à son médecin de l'aide pour mourir.

«Ce comité a eu le courage de ne pas prendre la patate chaude et de la remettre à quelqu'un d'autre», a offert M. Arsenault.

«La Cour suprême du Canada nous a mis dans un couloir très court. Elle a décidé qu'au bout de la porte de ce couloir-là, il y avait une solution. Elle a fait les murs, le plancher, le plafond, il fallait les peindre. Tout ce qu'on a eu à faire, c'est les peindre la couleur qu'on veut», a-t-il donné comme image.

Son collègue Oliphant a assuré que toutes les recommandations du rapport majoritaire survivraient à un test de la Charte canadienne des droits et libertés.

«Nous avons rempli notre mandat. Notre mandat était de recommander au Parlement un cadre pour que le gouvernement puisse répondre au jugement de la Cour dans l'arrêt Carter», a rappelé M. Oliphant.

Parmi les témoins entendus par le comité, certains avaient réclamé que le gouvernement fédéral se contente d'effacer les articles invalidés par la Cour suprême et laisse aux provinces le soin d'encadrer le droit.

«C'est clair qu'adopter une loi générale sans que les provinces aient été impliquées, on va ouvrir la porte à des contestations constitutionnelles solides», avait prévenu Me Jean-Pierre Ménard lors de sa parution devant le comité, fin janvier. L'avocat a servi d'expert au gouvernement du Québec au moment d'élaborer sa loi sur les soins de fin de vie.

Le comité a entendu des dizaines de témoins et n'a eu que cinq semaines pour abattre le travail.

«Lorsque notre processus a commencé, à 16, nous avions un immense éventail d'opinions sur chacune des questions, a raconté M. Oliphant. À mesure que les membres du comité ont commencé à comprendre mieux la question, je crois que nous nous sommes presque retrouvés d'accord. Et je crois que nous rejoignons ainsi la plupart des Canadiens.»

Si M. Oliphant loue l'esprit de collaboration qui a régné au sein de son comité, il n'en demeure pas moins qu'il y aura dissidence. On s'attend à ce que les députés conservateurs qui ont siégé sur le comité - deux sur trois ayant été identifiés par un groupe anti-avortement et anti-euthanasie comme sympathiques à sa cause - déposent un rapport minoritaire.

Le rapport principal, lui, aura pour titre «Aide médicale à mourir: une approche centrée sur le patient», selon ce qu'a appris La Presse Canadienne. Et le fruit de toutes ces réflexions ne couvrirait que 25 pages.

Il restera à la ministre de la Justice à rédiger un projet de loi, en se servant du cadre offert par le comité. La Cour suprême a donné un sursis jusqu'au 6 juin à Ottawa avant que ne s'applique son jugement rendu en février 2015. Après cette date, quiconque souffre trop, même s'il n'est pas aux portes de la mort, pourra réclamer une aide médicale pour mettre fin à ses jours.