Pierre Moreau a sa petite idée pour augmenter le taux de diplomation dans les universités. Il l'a expliquée au moment où il était candidat à la direction du Parti libéral du Québec. Et la surprise fut de taille.

« Il faut ouvrir le débat sur la pertinence des cégeps ! » lance-t-il lors d'un débat en janvier 2013.

Il s'inquiète alors du taux d'obtention de diplôme des universités québécoises, inférieur de 4 % à celui des universités ontariennes. Or seul le Québec dispose d'un réseau de cégeps, note-t-il. Il y a un lien à faire, selon lui.

La déclaration a l'effet d'un électrochoc dans le milieu collégial. Pierre Moreau ne bronche pas malgré les critiques, y compris celles venant de ses adversaires Philippe Couillard et Raymond Bachand. Se questionner sur l'utilité du cégep ne doit pas être tabou, dit celui qui cause la surprise en terminant au deuxième rang dans la course à la direction, devant l'ex-ministre des Finances. Les jeunes libéraux s'inspirent de M. Moreau un an plus tard et proposent d'abolir les cégeps tels qu'on les connaît. Mais le chef Philippe Couillard, devenu premier ministre, enterre aussitôt l'idée.

Chute de pression

Pierre Moreau croit-il toujours ce qu'il disait il n'y pas si longtemps ? On aurait bien aimé le savoir, mais le nouveau ministre de l'Éducation était absent de la cérémonie d'assermentation. Il a eu un léger malaise, une chute de pression, dans l'antichambre. Heureusement, il y avait un médecin dans la salle. Trois, en fait : Philippe Couillard, Gaétan Barrette et Roberto Iglesias, le mandarin numéro un de l'État. Pierre Moreau a quitté l'hôtel du Parlement sur une civière, après avoir prêté serment vite fait dans les coulisses. Rien de grave : il se remettra sur pied rapidement, selon son entourage.

Il le faudra, puisque de nombreux défis attendent le ministre. À commencer par la réforme des commissions scolaires, dessinée par son prédécesseur François Blais. Pas question d'en changer les orientations, a fait savoir Philippe Couillard hier.

C'est peu connu, mais Pierre Moreau a déjà touché à l'enseignement. Il a été professeur de droit municipal et administratif à l'École du Barreau. C'était avant d'accepter l'invitation de Jean Charest de porter les couleurs du PLQ en 2003. S'il a fait le saut en politique, c'est un peu à cause de Louise Harel ! L'élément déclencheur a été les fusions municipales, une réforme déposée par la ministre péquiste en 2000. Cet avocat avait représenté des villes opposées aux fusions. Lentement mais sûrement, M. Moreau est devenu un pilier du parti sous la gouverne de Jean Charest, qui lui avait confié entre autres les Transports après le passage difficile de Sam Hamad.

Cinq en cinq

Un cinquième ministre en cinq ans fait son entrée au ministère de l'Éducation, devenu une véritable porte tournante. Philippe Couillard avait besoin d'un pompier pour éteindre le feu dans le réseau scolaire, où les compressions font mal. Jean Charest avait fait un peu la même chose en nommant Jean-Marc Fournier à l'Éducation en 2005, alors que Pierre Reid s'était retrouvé face à une grève étudiante en raison de sa réforme du régime des prêts et bourses. Et comme Pierre Moreau, avant de se retrouver à la tête du réseau scolaire, M. Fournier avait été aux Affaires municipales, afin de piloter... les défusions municipales ! Des destins croisés, ces deux-là.

Pierre Moreau a été surpris d'apprendre qu'il se retrouvait à l'Éducation mercredi soir. Il l'avait moins été lorsque Philippe Couillard l'avait désigné aux Affaires municipales au début du mandat. Il a des affinités naturelles avec ce milieu. Son père, Jean-Marie Moreau, a été maire de Verchères pendant une vingtaine d'années, et président durant plus d'une décennie de ce qui est aujourd'hui la Fédération québécoise des municipalités. 

Le fils avait toute une commande à la tête des Affaires municipales, et il n'a pas déçu son chef : il y a eu d'abord le projet de loi sur les régimes de retraite dans les municipalités, qui a été adopté malgré la grogne des syndiqués, puis la négociation sur le pacte fiscal. Mais on se rappelle aussi ses sautes d'humeur. Caroline St-Hilaire et Marc Demers prennent « les gens pour des imbéciles ! », lance un jour Pierre Moreau. 

Les deux maires venaient de dire que les hausses de taxes à Longueuil et Laval étaient attribuables aux compressions du gouvernement dans les transferts. Pierre Moreau menace de leur couper les vivres, mais il recule un peu plus tard. Un rare cafouillage de sa part.

Lorsque Lise Thériault part en congé de maladie en octobre, Pierre Moreau prend la relève à la Sécurité publique. Il fait bonne impression le mois suivant lors de son passage à l'émission spéciale de Tout le monde en parle consacrée aux attentats de Paris.

Un contexte différent

Qu'en sera-t-il à l'Éducation ? Si ses prédécesseurs ont dû imposer des compressions douloureuses et en payer le prix politique, Pierre Moreau se présente dans un contexte financier plus favorable si l'on se fie aux propos de Philippe Couillard. « Vous verrez le prochain budget : il va y avoir une place assez importante réservée à l'éducation », a signalé le premier ministre hier. Tous les établissements du réseau crient justement famine. Y compris les cégeps...

« Nous comptons sur le ministre pour soutenir les 48 cégeps fragilisés par de trop nombreuses compressions. N'oublions pas que grâce aux cégeps, le Québec est la province qui affiche le plus haut taux de diplômés postsecondaires au Canada », notait la Fédération des cégeps dans un communiqué de presse diffusé hier. M. Moreau n'a pu en prendre connaissance depuis l'hôpital, où il subissait des examens. C'est un dossier à suivre...

Pierre Moreau

• Né à Verchères le 12 décembre 1957

• Sa conjointe est Michèle Monast, nommée juge à la Cour supérieure en 2000

• Il a deux filles dans la vingtaine

• Licence en droit de l'Université Laval (1980)

• Membre du Barreau du Québec (1981)

• Avocat dans différents cabinets (1981-2003)

• Professeur en droit municipal et administratif à École de formation professionnelle du Barreau du Québec (1996-2003)

• Député de Marguerite-D'Youville (de 2003 à 2007, alors qu'il est emporté par la vague adéquiste)

• Directeur de cabinet des ministres Jean-Marc Fournier puis Jacques Dupuis (2007-2008)

• Député de Châteauguay depuis 2008

• Whip en chef du gouvernement (2008-2011)

• Ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes (2011)

• Ministre des Transports (2011-2012)

• Ministre des Affaires municipales (2014-2016)