Le conflit est maintenant ouvert entre la direction du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) et le ministre par intérim de la Sécurité publique, Pierre Moreau, qui a bloqué la nomination de tous les candidats civils non liés à une organisation policière qui avaient été sélectionnés pour se joindre à l'organisme en tant qu'enquêteurs.

Le BEI, qui doit commencer ses travaux en 2016, enquêtera sur les interventions policières qui se soldent par une mort ou des blessures graves.

C'est le gouvernement qui nomme les enquêteurs du BEI, mais la loi stipule que «les enquêteurs sont nommés sur recommandation du directeur du Bureau», c'est-à-dire l'ancienne procureure de la Couronne Madeleine Giauque.

La loi prévoit que le choix des enquêteurs «favorise la parité entre les enquêteurs n'ayant jamais été agents de la paix et ceux qui l'ont déjà été».

Ingérence dénoncée

Le Devoir rapportait toutefois samedi que Pierre Moreau a écarté quatre candidats, dont trois civils, qui avaient été choisis cet automne et attendaient seulement l'approbation ministérielle. Le quotidien de la rue De Bleury ajoutait que le BEI voit là une «ingérence complète» visant à «remplir de policiers l'organisme».

Cinq sources ont confirmé à La Presse ce blocage de candidatures. Les civils exclus seraient un journaliste et deux avocats, qui ont tous subi une enquête de sécurité et une batterie de tests, en plus de signer un projet de décret stipulant leurs conditions de travail.

Hier, le bureau de Pierre Moreau a présenté l'intervention du ministre comme une quête de diversité.

«Au mois de novembre dernier, le ministre a indiqué à la directrice qu'il souhaitait que les candidatures aux postes d'enquêteur aient une plus juste représentation des femmes, des communautés culturelles, des anciens membres de la Sûreté du Québec ainsi que des corps policiers autochtones. C'est pourquoi le ministre a expressément demandé au BEI de poursuivre son processus de concours pour le recrutement de candidats civils», a expliqué l'attaché de presse Jean-Félix Lévesque.

La réplique du BEI a été directe.

«Il n'y a pas d'appel de candidatures en route. Pour le moment, l'exercice a été fait, conformément à la loi et aux règlements», a déclaré Esther Tremblay, porte-parole de l'organisme.

Des jambettes

Sous le couvert de l'anonymat, une source qui avait été consultée en haut lieu pendant l'élaboration du projet de loi a confié à La Presse être peu surprise de la tournure des choses. «Giauque se tient debout, alors ils vont la contourner ou lui faire des jambettes», dit-elle.

Au Parti québécois, le député Pascal Bérubé a accusé les libéraux de «pervertir» la nature du Bureau. «Le ministre Moreau n'a aucune raison valable de bloquer les recommandations de la directrice du BEI. [...] Dans l'intérêt de qui agit-il de la sorte?», a-t-il demandé.

Le député de la Coalition avenir Québec Simon Jolin-Barrette abonde dans le même sens. «Il faut arrêter de mettre des bâtons dans les roues du BEI et les laisser faire leur travail», a-t-il lancé.

Jusqu'ici, 12 enquêteurs ont été nommés au BEI, dont six civils. Les six travaillaient par le passé dans une organisation policière.