Les négociations sont loin d'être réglées avec certains employés de l'État. Les ingénieurs veulent des hausses salariales bien supérieures à celles prévues dans l'entente de principe intervenue entre le gouvernement Couillard et le front commun syndical. Ils lanceront des moyens de pression bientôt.

«Il va falloir réchauffer le poêle!», a lancé à La Presse le président de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), Michel Gagnon.

Le syndicat recommande à ses 1400 membres, qui travaillent entre autres au ministère des Transports (MTQ), de faire la grève d'activités professionnelles. Par exemple, ils ne siègeraient plus aux comités de sélection chargés d'évaluer des soumissions faites par des firmes de génie-conseil pour des contrats de services professionnels. Les membres se prononceront à ce sujet au cours des prochains jours. Déclencher une journée de grève conventionnelle n'est pas sur la table «présentement».

L'entente de principe du front commun est «clairement insuffisante» aux yeux de Michel Gagnon. À l'heure actuelle, un ingénieur standard du MTQ gagne environ 82 000 $, près de 24% de moins que celui qui travaille pour Hydro-Québec. C'est un écart de 16 000 $. Selon M. Gagnon, si l'on tient compte des augmentations salariales obtenues par les ingénieurs d'Hydro en vertu d'une entente datant de 2013, l'écart atteindrait 37% en 2019 - ou 32 000 $ - si les ingénieurs du gouvernement devaient se contenter des hausses prévues à l'entente de principe du front commun.

L'APIGQ ne fait pas partie de ce front commun, qui représente 400 000 des 550 000 employés de l'État. Ses négociations avec le Trésor ne sont pas très avancées. Le syndicat a déposé ses demandes salariales au cours des derniers mois: 30% sur une période de cinq ans.

Une rencontre de négociation a eu lieu la semaine dernière, mais l'enjeu salarial n'a pas été abordé par le gouvernement. «Rien n'a été présenté pour combler l'écart avec les ingénieurs d'Hydro-Québec», a dit M. Gagnon.

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a refusé de commenter le dossier.

Recommandation de la commission Charbonneau

Dans son rapport final, rendu public en novembre, la commission Charbonneau a recommandé au gouvernement «d'accélérer les efforts d'accroissement de l'expertise interne» au MTQ. À l'heure actuelle, environ 21% des travaux de surveillance et 58% des travaux d'inspection sont réalisés par le personnel du Ministère; le reste est fait par des firmes externes. La commission Charbonneau soutient qu'il y a encore beaucoup à faire pour atteindre les cibles fixées dans les dernières années (64% et 80%, respectivement). Michel Gagnon plaide que l'expertise interne est difficile à accroître parce que les salaires du MTQ ne sont pas concurrentiels. Les ingénieurs sont donc tentés d'aller travailler ailleurs, selon lui. 

Depuis le début de l'année seulement, trois ingénieurs lui ont annoncé leur départ du gouvernement.

Le MTQ lui-même reconnaît le problème. Dans un courriel daté du 16 décembre et adressé à l'APIGQ, la direction de ce ministère au Bas-Saint-Laurent justifie le recours à des firmes externes pour certains mandats liés au chantier de l'autoroute 85 par le fait qu'elle «ne réussit pas à embaucher des ingénieurs d'expérience pour ce projet majeur».

Le MTQ a tout de même fait des centaines d'embauches au cours des dernières années. Il emploie maintenant 830 ingénieurs, selon le rapport annuel 2014-2015. C'est 300 de plus qu'en 2010. Ces embauches ont permis la reprise d'activités à l'interne au MTQ, ce qui a généré des économies de 11,2 millions de dollars pour 2013-2014 seulement, lit-on dans le rapport Charbonneau.

PHOTO FOURNIE PAR L'APIGQ

Michel Gagnon, président de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ)