Québec est favorable à toute proposition susceptible de favoriser le bon fonctionnement de la Ville de Montréal. Le gouvernement juge que les pouvoirs des arrondissements ne sont pas inaliénables, mais que rayer d'un trait de plume ce qui avait été fait en 2003 serait une erreur.

Pour le ministre des Affaires municipales Pierre Moreau, Québec est «ouvert à toute proposition susceptible d'améliorer le fonctionnement de Montréal».

«L'idée de lui conférer un statut de métropole vient du premier ministre Couillard. Il faut qu'elle soit fonctionnelle et capable de jouer son rôle de moteur économique», a souligné le ministre Moreau.

Il réagissait au reportage de La Presse qui révélait hier que l'administration Coderre réclamait une réduction importante des pouvoirs des arrondissements, un scénario détaillé dans un projet de loi soumis à Québec.

«Je suis prêt à regarder les demandes point par point. Mais à ce stade, je ne peux dire s'il faut retirer aux arrondissements tel ou tel pouvoir spécifique», a indiqué le ministre, pour qui «certains pouvoirs conférés aux arrondissements [en 2003] peuvent créer des problèmes pour la fluidité, pour un fonctionnement plus facile pour la ville». 

«Si on [me] demande s'il faut faire disparaître les arrondissements, je réponds non! Il faut une décentralisation, a lancé le ministre sans hésiter, mais il faut que ce soit compatible à l'exercice efficace des pouvoirs de la ville centrale.»

Capacité de contrôle

Les arrondissements se sont vu octroyer en 2003 d'importants pouvoirs en matière de négociation des conditions de travail.

«Là aussi il y a deux niveaux, a souligné M. Moreau. Il doit y avoir des postes d'arrondissement où la ville centrale devrait avoir son mot à dire. Mais si on accepte que les arrondissements sont des communautés de proximité, ils doivent avoir la capacité de contrôler certains emplois.»

Là où Pierre Moreau ne veut pas faire de compromis, c'est sur la responsabilité du gouvernement quant aux arbitrages et à la préparation du projet de loi. 

Le maire Coderre avait déposé son projet au ministre devant une poignée de fonctionnaires de la Ville et du Ministère en clamant péremptoirement que «la job était faite! »

«Les lois au Québec sont préparées et rédigées par l'Assemblée nationale, a rappelé le ministre. On va le faire avec toute l'écoute et l'ouverture nécessaires, mais on n'abdiquera pas nos responsabilités.»

Un power trip du maire

Du côté de l'hôtel de ville de Montréal, l'opposition officielle juge que le maire Coderre fait un «power trip» en voulant bulldozer les arrondissements dans le cadre du projet de loi sur la métropole.

«On se rend compte que toute personne ou toute organisation qui s'est un jour opposée à Denis Coderre, [le maire] demande aujourd'hui son élimination ou l'élimination de ses pouvoirs», a dénoncé le chef de l'opposition officielle Luc Ferrandez hier en point de presse.

Le projet de loi soumis par Montréal, qui fait plus de 120 pages, suggère de retirer aux arrondissements la majorité des pouvoirs conférés par le projet de loi 33, qui en 2003 avait profondément décentralisé l'organisation de la métropole pour répondre aux doléances des défusionnistes.

L'administration Coderre voudrait, par exemple, retirer aux arrondissements le pouvoir de créer des services et d'en nommer les directeurs, retirer les dispositions accordant aux arrondissements les pouvoirs de négociation des conventions collectives ou encore retirer le pouvoir d'adopter des règlements d'emprunt.

Impossible toutefois d'en savoir plus auprès de l'administration Coderre. «Quand le projet de loi sera déposé, l'Assemblée nationale pourra, en commission parlementaire, entendre tous les intervenants qui souhaiteront s'exprimer sur la proposition qui sera faite. D'ici là, nous ne négocierons pas en public», a laissé savoir le maire de Montréal dans une déclaration écrite distribuée aux médias.

«Aujourd'hui, ce que nous voyons, c'est le vrai Denis Coderre. Celui qui est incapable de travailler avec les autres et qui décide en catimini de faire cette loi-là, sans consulter les élus», a déclaré le maire de Rosemont-La Petite-Patrie, François Croteau.

Selon des documents qui ont été «coulés» à Projet Montréal, le maire Coderre demanderait aussi que la Cour municipale rapatrie les responsabilités de la Régie des alcools, des courses et des jeux, des informations que La Presse a pu faire confirmer à Québec.

«La Régie s'oppose à la demande de Denis Coderre d'étendre les heures d'ouverture des bars: Denis Coderre demande de pouvoir l'abolir. Le ministère de la Culture s'oppose à la destruction de la Maison Alcan: Denis Coderre demande à ce que le ministère de la Culture ne puisse plus se pencher sur la question du patrimoine à Montréal. Les arrondissements ont fait différentes initiatives qui n'ont pas plu à Denis Coderre. Denis Coderre veut leur enlever», a dénoncé M. Ferrandez.

«Laisser Denis Coderre déterminer les règles qui s'appliquent, ça serait une catastrophe, compte tenu de sa personnalité mégalomane et tyrannique», a-t-il conclu.